Les violences sexistes nous con-cernent tous. Dans une société où le fait que les femmes sont responsables des violences qu’elles subissent constitue encore une croyance tenace, cette question est encore, en 2022, toujours d’une sombre actualité.
Ces violences prennent place dans tous les espaces de la vie des femmes: dans la rue, la famille, au travail… Elles mettent les femmes en situation d’infériorité par rapport aux hommes et constituent un obstacle à leurs droits, leur intégrité, leur autonomie et leur santé.
Le lieu de travail doit être un endroit sûr pour l’ensemble des travailleurs et, a fortiori, des travailleuses. Mais sur le terrain, les stéréotypes de genre, la violence et le harcèlement, restent une réalité à combattre. Une enquête européenne de 2016 révèle que 9% des travailleuses ont été agressées physiquement sur leur lieu de travail. Une autre enquête, réalisée en 2017 par la CSC Alimentation & Services, concluait qu’une travailleuse sur trois, travaillant dans les titres-services et les aides familiales, avait été victime de violences sexuelles sur son lieu de travail. Une enquête de mai 2021, réalisée par la CNE auprès de ses affiliées, révèle que 100% des répondantes ont subi des comportements inappropriés sur leur lieu de travail. 100%.
Ces violences ne se limitent pas à des assauts physiques: elles incluent également la violence verbale et psychologique, l’intimidation sexuelle, la violence économique, etc. Elles ne se sont pas non plus arrêtées, comme on pourrait le croire, avec le télétravail: il peut aussi se transformer en cyberharcèlement.
Sur le terrain, les stéréotypes de genre, la violence et le harcèlement, restent une réalité à combattre.
«Le monde du travail reflète la société et, de ce fait, les violences sexistes et sexuelles s’invitent sur le lieu du travail», constate Gaëlle Demez, responsable des Femmes CSC. Pourtant, même si la ratification par la Belgique de la convention 190 se fait attendre (lire encadré page 8), la législation belge en matière de lutte contre le harcèlement sexiste et sexuel sur le lieu de travail est une des meilleure au monde en la matière. Elle intègre le fait que la violence et le harcèlement au travail constituent à la fois une question de risques pour la sécurité et la santé au travail mais aussi une question de discrimination.
Ceci étant dit, la concrétisation de cette législation sur le terrain n’est pas sans difficultés. «Il existe une culture d’entreprise qui va permettre, ou ne pas permettre, ce type de comportement. Il peut prendre la forme d’une petite blague sexiste en réunion, de couper systématiquement les femmes qui prennent la parole, de l’accueil condescendant qui est fait aux jeunes travailleuses dans les entreprises: ‘ma puce’, ‘mon chou’… Derrière ce qui peut apparaître comme de la gentillesse, installe un continuum sexiste qui va permettre d’aller chaque fois une étape plus loin: la petite blague, le rapprochement physique… où finalement certaines femmes peuvent se sentir coincées et se retrouvent dans des situations de violences physiques directes et très fortes sur le lieu de travail.» Les femmes racisées, en bas de l’échelle hiérarchique, sont particulièrement enclines à être victimes de violences des collègues, de la hiérarchie mais aussi des bénéficiaires (voir témoignage). «Ce sont des comportements qui posent problème, mais ils sont compliqués à prouver puisqu’il s’agit, souvent, de la parole de l’un contre la parole de l’autre.» Néanmoins, la responsable des Femmes CSC constate des avancées depuis #MeToo dans de nombreuses entreprises. «Des portes se sont ouvertes en matière de discussion. Des militantes et des travailleuses osent également maintenant s’exprimer et dire non en faisant remarquer à leurs collègues certains comportements inadéquats.»
Si le harcèlement constitue, en entreprise, la première forme de violence de genre, la seconde, moins envisagée sous l’angle professionnel mais non moins éprouvante pour celles qui en souffrent, sont les violences conjugales.
«Il y a quelques années, on ne pensait pas qu’il s’agissait d’une question syndicale, on pensait que ce champ relevait de la vie privée des travailleuses», admet Gaëlle Demez. Pourtant, ces violences peuvent avoir des conséquences sur le lieu de travail: mauvais sommeil, SMS et coups de téléphone du compagnon violent, attention moindre au travail, retards ou absences répétées avec un risque de désorganisation de l’équipe et une mise sous la sellette de la victime… «Or, une des seules portes de sortie des violences, c’est de garder son travail afin de conserver l’autonomie économique et financière qui lui permettra de quitter cette situation le jour où elle le pourra.»
Les syndicats peuvent avoir un rôle à jouer pour aider une femme victime de ce type de violence à garder son emploi. «Les délégations syndicales doivent être attentives sur le terrain et être un relais pour informer la personne. Il faut pouvoir donner la parole à ces femmes, les écouter et être particulièrement attentif aux cas sensibles ou des secteurs sensibles: titres-services, nettoyage, grande distribution, non-marchand…»
Les témoins de ces violences au travail ont aussi un rôle à jouer pour affirmer qu’un comportement, une blague ou un geste est inapproprié. En d’autres termes, chaque travailleur et travailleuse à un rôle à jouer car, comme annoncé au début de cet article, les violences sexistes nous concernent toutes et tous.
«J’étais allée nettoyer chez un couple de personnes âgées. L’homme se trouvait dans la salle de bain et a soudainement attrapé ma poitrine. J’ai dit ‘Hé, pas de ça!’. Et l’homme a commencé à se moquer de moi.»
Fatima, aide-ménagère
Avec le télétravail, les violences ont pris la forme de cyber-
harcèlement.
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