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L'info n°2025/11/22

Et les violences institutionnelles?

La violence institutionnelle constitue une forme de violence particulièrement sournoise, car invisible, faite aux femmes. À l’occasion d’une journée consacrée aux violences sexistes coorganisées par les Femmes CSC, cette question a été évoquée par Zoé Maus (CIEP) et Manon Legrand (journaliste). En voici quelques points saillants.

David Morelli

Les «violences contre les femmes» sont définies dans la Convention d’Istanbul1 comme «toutes les formes de violence fondée sur le sexe qui causent ou sont susceptibles de causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, ou des pertes économiques, y compris la menace de telles violences, la contrainte ou la privatisation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée».

Cette convention, ratifiée par la Belgique en 2016, est le premier instrument juridique contraignant au niveau pan-européen qui offre un cadre juridique complet pour la prévention des violences, la protection des victimes et la fin de l’immunité des auteurs de violence.

En signant ce texte, la Belgique, et l’ensemble des institutions et acteurs qui agissent au nom de l’État, s’est engagée à ne pas commettre de violences à l’égard des femmes et les préviennent.

Pour le Grevio, un groupe d’experts chargé d’évaluer le respect de la convention d’Istanbul, c’est loin d’être le cas.

Le statut de cohabitant pour les allocataires du CPAS et du chômage participe lui aussi à cette violence institutionnelle.

Dangereuse neutralité

Si la violence institutionnelle peut toucher tout le monde, elle ne s’exerce pas de la même façon selon le statut social, les origines ou encore le genre. En la matière, il constate une relative invisibilisation, au sein des politiques du pays, des violences fondées sur le genre contre les femmes. 

Dans son rapport 2020, le Grevio mentionne que «La neutralité du point de vue du genre dans les intitulés de lois, circulaires ou plans d’action se prolonge – voire est aggravée – par une tendance à mettre sur le même plan symétrique les femmes et les hommes parmi les personnes victimes et autrices des violences couvertes par la Convention. La neutralisation est dangereuse parce qu’elle invisibilise le rapport de domination historique de l’homme sur la femme, ce qui nie les discriminations induites par le système.»

Invisibilisation

Dans ce contexte, les femmes et les violences qu’elles subissent sont invisibilisées. Les institutions ne prennent en effet pas toujours en considération leur parcours et les discriminations spécifiques qu’elles subissent. En matière d’asile par exemple, les réalités sont différentes entre les hommes et les femmes et certains problèmes se conjuguent spécifiquement au féminin (violences sexuelles, mutilations génitales, etc.) et nécessitent un accompagnement particulier. Si la question du genre est prise en compte dans les raisons pouvant justifier l’obtention du statut de réfugiés pour les motifs liés au genre, sur le terrain, par exemple, les violences subies durant le parcours migratoire ne le sont pas car elles ne font pas partie de la procédure.

En matière de justice, l’invisibilisation prends parfois des allures de mise sous silence. En témoignent les cas de déni de justice à l’égard des femmes qui portent plainte pour des violences, pour des mères qui alertent à propos de violences sexuelles commises sur leur enfant par le père ou à leur égard. Il arrive que des services de première ligne, d’aide et de protection de la jeunesse, ainsi que le système judiciaire, ne les entendent pas toujours, voire les criminalise. Sans parler du mépris des femmes qui portent plainte à la police, mépris des procédures judiciaires.

Les services sociaux n’échappent pas non plus au sexisme et aux stéréotypes relatifs aux aspirations et rôles attendus des femmes et des hommes dans notre société. Leur accompagnement risque alors de participer à la reproduction des inégalités.

Enfin, le statut de cohabitant pour les allocataires du CPAS et du chômage participe lui aussi à cette violence institutionnelle en créant, particulièrement à l’égard des femmes, une profonde injustice qui pénalise les modes de vie et de logement.

Double peine

Au final, cette neutralisation des genres constitue une forme de violence faisant des femmes les victimes d’une double peine: aux violences qu’elles subissent vient s’ajouter la violence de ne pas être entendues par des institutions qui sont censées les écouter et les protéger.

La violence qui se manifeste dans l’action ou l’absence d’action crée une méfiance, une peur dans le chef des femmes et encourage le non-recours aux droits, avec le coût humain et financier parfois dramatique que cela entraine…