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L'info n°2025/11/22

Coupe du monde Du Qatar à la Belgique, l’esclavagisme sans frontières


Le chantier de l’usine chimique de Borealis (Anvers).

Il ne faut pas aller jusqu’au Qatar pour découvrir des cas de traite des êtres humains. La CSC Bâtiment – Industrie & Énergie, la CNE et la FGTB Chimie-pétrole ont rédigé un texte commun appelant les employeurs à agir contre la traite des êtres humains dans l’industrie.

Sur les sites industriels de Borealis et BASF, au port d’Anvers, des travailleurs exploités, payés 3,50 euros de l’heure, parqués dans des logements de misère… ont été découverts. Des conditions indignes. Des conditions inhumaines. Pour les syndicats, des mesures s’imposent sans attendre.

Failles sociales du système

Ces agissements frauduleux trou-vent leur origine dans les failles du système européen de mise en concurrence des pays, des entreprises et des travailleurs. Courir après les profits sans se soucier des conditions de travail, c’est plonger les travailleurs dans la misère. Les cas de Borealis et BASF nous le prouvent.

C’est aussi l’échec du cadre légal belge: l’entreprise qui recourt à la sous-traitance n’est pas responsabilisée en cas de sous-traitance frauduleuse en cascade. Le manque d’inspecteurs est aussi criant.

L’entreprise qui recourt à la sous-traitance n’est pas responsabilisée en cas de sous-traitance frauduleuse en cascade.

Sur les sites industriels de Borealis et BASF, au port d’Anvers, des travailleurs exploités, payés 3,50 euros de l’heure, parqués dans des logements de misère… ont été découverts. Des conditions indignes. Des conditions inhumaines. Pour les syndicats, des mesures s’imposent sans attendre.

N’attendons pas un autre scandale

Mais nous n’aurons pas suffisamment d’inspecteurs pour contrôler efficacement les recours à la sous-traitance. De même, nous ne pouvons pas attendre que les cadres européens et belges changent. Il y a urgence car d’autres travailleurs sont victimes de traite des êtres humains dans notre pays et dans nos entreprises. N’attendons pas un autre scandale pour agir.

Que faire?

Renforçons dès aujourd’hui le contrôle des directions et des délégués sur la sous-traitance. Face à de telles pratiques frauduleuses, unir les forces est un devoir.

Concrètement

Là où les travailleurs peuvent être représentés et défendus par un délégué, les droits et les conditions de travail sont mieux respectés. Élargissons donc les compétences de nos délégations. Fournissons-leur les informations et les moyens de contrôler les réalités encourues par tout travailleur présent dans leur entreprise, indépendamment de leur type de contrat. Nos délégués sont quotidiennement dans les entreprises. Pas les inspecteurs.

Syndicats recherchent patrons éthiques

Toutefois, cette piste n’est pas accueillie positivement par les représentants patronaux de la chimie et du pétrole. Pour eux, nous pouvons attendre que d’autres décident. Pour nous, il y a urgence. Pour nous, les conditions de travail font partie de la concertation sociale sectorielle et d’entreprise. Alors, syndicats recherchent patrons éthiques pour lutter contre la traite des êtres humains. Il s’agit d’un devoir éthique qui dépasse toute considération politique ou économique. 

Cet article et ceux de la page suivante complètent le dossier publié dans L’Info n°19.

Loin des projecteurs des stades1

Si la Coupe du monde au Qatar aura au moins permis de mettre en lumière les conditions de travail épouvantables des travailleurs de la construction (lire dossier dans L’Info n°19), des travailleurs et travailleuses migrants travaillant également dans les secteurs de la sécurité, des transports, de l’hôtellerie, du nettoyage, de la pêche, ou encore, comme domestiques. Les 173.000 membres du personnel domestique au Qatar constituent assurément un groupe particulièrement vulnérable, car prisonniers de la sphère privée du domicile de leur employeur. Ils peuvent facilement être victimes de l’arbitraire de l’homme ou de la femme en charge ou, pire encore, de maltraitance physique, sexuelle ou mentale.

Les violations du droit du travail restent le quotidien de nombreuses personnes migrantes.

Avec l’abolition de la kafala2, ces travailleurs et travailleuses ont à présent les mêmes droits que tous les autres travailleurs au Qatar. Mais le système a-t-il, dans les faits, vraiment disparu? Les témoignages de V.J., un travailleur népalais (lire article dans l’app de L’Info n°18) ou le parcours de Jayanthi A., une travailleuse domestique de 49 ans originaire du Tamil Nadu (Népal), laissent peser de sérieux doutes: durant son séjour de 15 mois au Qatar, elle a été continuellement battue et torturée par son employeur. Avec l’aide du Mouvement des travailleurs domestiques, elle a porté plainte auprès de l’ambassade indienne, mais a été arrêtée en chemin par la police. Son employeur n’a pas voulu lui rendre son passeport et a, à son tour, déposé une plainte contre elle pour « fuite». C’était en 2021, alors même que le système de la kafala avait déjà été aboli. Finalement, grâce à la médiation de l’ambassade, elle a pu retourner en Inde. Jayanthi est très traumatisée par ce qui lui est arrivé. Elle ne dispose à présent plus d’aucun revenu et doit prendre soin de son mari malade et de ses trois enfants.

Au final, le bilan des réformes reste donc mitigé: si les conditions salariales et de travail de certains travailleurs et travailleuses migrants se sont nettement améliorées, les violations du droit du travail demeurent le quotidien de nombreuses personnes migrantes.

1. Source: Jeroen Roskams (WSM), article publié dans «De Gids op Maatschappelijk Gebied».
2. Système de parrainage appliqué à la main-d’œuvre étrangère qui donne à l’employeur le pouvoir de décider si son travailleur peut changer d’emploi ou quitter le pays.