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L'info n°912/05/23

Transport

La CSC rend visite aux camionneurs d'Europe de l'Est en grève

Pendant plus d’un mois, soixante camionneurs de Géorgie et d'Ouzbékistan étaient en grève sur l'aire d'autoroute de Gräfenhausen, en Allemagne, parce qu'ils n'avaient pas été payés depuis des mois. S’ils ont finalement gagné leur combat (à lire dans ce numéro de L’Info), il est effrayant de constater qu'une telle forme d'esclavage moderne soit encore possible en Europe au 21e siècle. Pour mieux comprendre la situation de ces chauffeurs, retour sur la visite qu’une délégation de la CSC avait organisée le 19 avril dernier pour les soutenir.

Jochen Mettlen (adapt: D.Mo.)

19 avril 2023. La soixantaine de camions bleus parqués sur l'aire de repos de Gräfenhausen sur l'A5 sont visibles de loin. Les chauffeurs de camion qui passent klaxonnent pour manifester leur solidarité avec leurs collègues.

Des chauffeurs d'Europe de l'Est se sont installés tant bien que mal sur l'aire de repos et sont approvisionnés par le réseau de soutien local. Dans une remorque de camion, ils cuisinent et mangent ensemble. Dans un autre, un bureau d'information a été a été installé. Les sommes que le transporteur polonais Lukasz Mazur doit à ses chauffeurs y sont affichées. On peut y lire des montants de 3.000, 4.000 et 5.000 euros par chauffeur. Le total des salaires non versés s’élève à plus de 300.000 euros.

Pressions

«On prend très bien soin de moi ici, mais à la maison, ma femme n'a pas de quoi acheter du lait», explique un chauffeur. Un autre chauffeur, qui n'a pas vu sa famille depuis un an (!), ajoute: «Certains collègues ont entretemps reçu un peu d'argent. Mais nous allons continuer la grève jusqu'à ce que tous aient reçu l'intégralité de leur salaire. Ce n'est qu'à ce moment-là que nous rendrons les clés des véhicules et que nous rentrerons chez nous.»

Les chauffeurs sont traités comme des esclaves. Nous devons agir au plus vite au niveau européen!

Pour le voyage de retour, ils demandent des garanties de sécurité, car ils ont peur, et ce n’est pas sans raison. En effet, le 7 avril dernier, la situation avait dégénéré: le transporteur Lukasz Mazur était venu avec une équipe de voyous et un véhicule blindé sur l'aire de repos. Son objectif était de reprendre les camions aux chauffeurs. La police est intervenue et a arrêté 19 personnes, dont Mazur.


«La pression sur les chauffeurs est énorme, estime Salvatore Franco Filippone, président du groupe de chauffeurs routiers Ver.di de la Hesse du Sud. J'admire leur courage. Ils tiennent bon et continuent jusqu'à ce que le dernier chauffeur ait reçu son salaire. Nous nous tenons à leurs côtés et leur offrons la meilleure aide possible.»

C'est également ce que souligne Roberto Parrillo, responsable général du secteur Transport routier et Logistique CSC-Transcom: «Nous devons remercier les chauffeurs pour leur courage. Ils sont traités comme des esclaves et se battent pour leurs droits - et les droits de tous les chauffeurs routiers - à un salaire correct et à des conditions de travail décentes. Nous sommes à leurs côtés dans la lutte pour leurs droits».

Mesures européennes urgentes

En compagnie de syndicalistes français et luxembourgeois, la délégation de la CSC s'est rendue en Allemagne le 19 avril dernier pour montrer sa solidarité et son soutien aux chauffeurs de Géorgie et d'Ouzbékistan en grève. «Ce que je vois ici m'a rappelé un cas survenu il y a un an et demi à Welkenraedt. Trois chauffeurs d'Ouzbékistan, de Biélorussie et d'Ukraine se trouvaient alors dans la même situation. Ils conduisaient pour une entreprise qui travaillait comme sous-traitant pour un grand transporteur autrichien. C'est une misère. Nous constatons de tels cas dans toute l'Europe. Il faut absolument faire quelque chose, mais je suis pessimiste: je doute que l'UE et certains États membres vont enfin prendre les mesures nécessaires pour que ces personnes puissent travailler dignement.»

Le député européen belge Benoît Lutgen était sur place, car le dumping social dans le secteur des transports a été abordé lors d'une session du Parlement européen à Strasbourg.

«Malheureusement, la situation à Gräfenhausen n'est pas un cas isolé. Les chauffeurs sont traités comme des esclaves, c'est scandaleux. Nous devons agir au plus vite au niveau européen». Il ne reste plus qu'à espérer que des mesures soient prises rapidement pour que des cas comme celui-ci ne se reproduisent plus.

© CSCBIE