L'essentiel icon

L'essentiel

L'info n°912/05/23

Les plus pauvres dans la visée des décisions budgétaires

L’ajustement du budget pour 2023-2024 s’annonçait comme un exercice difficile pour le gouvernement fédéral. Pour calmer les marchés financiers et l’Europe, il fallait trouver 1,8 milliard d’euros selon la Banque nationale. Le gouvernement a réussi cette opération. Ce sont toutefois les plus pauvres, les personnes qui vivent d’une allocation minimale, qui vont trinquer. Tout comme les chômeurs temporaires.

Chris Serroyen

Un montant total de 782 millions d’euros sera économisé dans les dépenses, dont 352 millions dans les minima de la sécurité sociale et de l’assistance. Un montant pratiquement identique, 779 millions d’euros, proviendra de recettes nouvelles, avec en particulier 334 millions supplémentaires à chercher du côté des multinationales. 205 millions devraient aussi venir de «mesures diverses», pour arriver à un total de 1.766 millions d’euros. À cela s’ajoutent 105 millions d’euros de recettes supplémentaires imprévues du côté de l’impôt des sociétés, dont on déduit 56 millions pour quelques nouvelles initiatives. Le gouvernement arrive ainsi «tout juste» à 1.815 millions d’euros pour 2024.

Les revenus minimums sont les dindons de la farce

«Juste» n’est sans doute pas le terme idéal puisque les bénéficiaires d’allocations sociales minimales seront principalement touchés. Peu après son entrée en fonction en 2020, le gouvernement avait en effet décidé d’un plan en quatre phases pour améliorer les allocations sociales, indépendamment de la liaison au bien-être. Cette augmentation devait donc se faire en quatre fois, au premier janvier de chaque année entre 2021 et 2024. La mesure la plus importante était une majoration phasée des minima de la sécurité sociale pour les pensionnés, les travailleurs irréguliers bénéficiaires d’allocations de maladie ou d’invalidité et les chômeurs complets, ainsi que des minima d’assistance pour les bénéficiaires du revenu d’intégration, les personnes âgées et les personnes porteuses d’un handicap. Dans le même temps, les plafonds de calcul pour les pensions devaient être majorés en quatre phases et une allocation minimale était instaurée pour les six premiers mois de maladie.

Les trois premières phases ont été mises en œuvre correctement et nous avons également obtenu des améliorations dans le cadre de la liaison au bien-être. Le banc libéral est toutefois venu avec la proposition de supprimer totalement la quatrième phase. Les dégâts seront finalement limités pour les pensions minimales, où l’on appliquera bien la 4ème étape, mais à 2/3 seulement. En ce qui concerne les allocations d’assistance aux personnes porteuses d’un handicap, la quatrième étape sera maintenue intégralement. Pour le reste, la 4ème phase est bel et bien supprimée. Elle concerne pourtant les allocations les plus faibles et les plus éloignées de la norme européenne de pauvreté, plus encore que la pension minimale. Pour les chômeurs, cette économie (de 45 millions d’euros) s’ajoute aux 40 millions déjà retirés de la liaison au bien-être par le gouvernement, qui a décidé de limiter à 1,3% l’augmentation des minima prévue au 1er juillet 2023. En ce qui concerne l’allocation minimale pour les six premiers mois de maladie, on continuera à se contenter d’un minimum à partir du 3ème mois, sans élargissement aux 1er et 2e mois.

Ce sont
les personnes
qui vivent
d’une allocation minimale
qui vont trinquer.

Chômeurs temporaires: de 65 à 60%

La compassion à l’égard des travailleurs touchés par le chômage temporaire aura été de courte durée. La majoration à 70% du salaire plafonné instaurée durant la crise du Covid avait déjà été ramenée à 65%. Le pourcentage sera réduit à 60% le 1er janvier 2024. Ces cinq points de pourcentage devront toutefois être compensés partiellement par les employeurs ou les fonds sectoriels, en plus des suppléments convenus antérieurement. La mesure reste à préciser, mais l’objectif est d’obtenir une compensation intégrale pour les bas salaires. On ignore toutefois encore jusqu’à quel montant. Exception: pour les chômeurs temporaires pour cause de force majeure, l’allocation est maintenue à 65%, sans complément obligatoire par l’employeur ou le secteur. Économie prévue: 33,8 millions d’euros.

Les chômeurs en point de mire

Pour les chômeurs, ces mesures ne suffisaient manifestement pas. Il fallait faire pression pour durcir encore «l’activation», au moyen de quelques mesures pour lesquelles les Régions sont déjà entièrement compétentes et ont appelé l’autorité fédérale à servir de couverture:

  • En ce qui concerne les sanctions en cas de refus d’un emploi convenable, on confirme que les critères de distance et de durée de déplacement s’appliqueront désormais au-delà des frontières des Régions.
  • Les chômeurs qui seront absents à deux reprises lors d’un entretien d’évaluation devront fournir une justification écrite. Le fédéral ne fera aucune différence ici puisque les Régions peuvent déjà l’imposer.
  • Le MR avait remis sur la table la question des sanctions pour les chômeurs qui refusent une formation pour un métier en pénurie, mais le point a été rejeté dans la dernière ligne droite. Ici aussi, la mesure n’aurait rien changé puisque les Régions peuvent déjà sanctionner aujourd’hui.

© Shutterstock