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L'info n°2223/12/22

Dieu sauve le Roi, mais qui sauve le Britannique ordinaire?

Face à une crise du pouvoir d’achat sans précédent, les travailleurs britanniques mènent des grèves dans d’innombrables secteurs pour en finir une bonne fois avec la stagnation des salaires et l’austérité.

Simon Bellens et Lies Van der Auwera


La grève de cet été fut la plus grande qu’ait connu le Royaume-Uni depuis 1989.

Lorsque le syndicat national britannique des chemins de fer, du transport maritime et des transports (RMT) a annoncé, au début de l’été, qu’il était contraint de partir en grève, en raison de l’enlisement des négociations salariales, le gouvernement conservateur a pensé que le malaise ne serait que de courte durée. «Ils ont cru pouvoir casser rapidement notre action, explique Mick Lynch, le secrétaire général du syndicat RMT. Mais ce mépris affiché par le gouvernement lui est revenu à la figure comme un boomerang. Quand les Britanniques ont vu nos frustrations, ils s’y identifiaient. Un sondage a montré que plus de 70% de la population nous soutient.»

Mécontentement général

Le 21 juin, 40.000 cheminots affiliés au syndicat RMT ont arrêté le travail une première fois. Plusieurs autres jours de grève ont suivi durant tout l’été. Seul le décès de la Reine fut un motif pour annuler une grève prévue en septembre. Ce fut la plus grande grève qu’ait connu le Royaume-Uni depuis 1989, mais aucune amélioration ne se dessine à l'horizon. La combativité des cheminots a fait tache d'huile dans d'autres secteurs. Les dockers, les facteurs, ou encore le personnel des aéroports se sont mis en grève ces derniers mois, et les infirmières prévoient de le faire les 15 et 20 décembre prochain, une première en 106 ans. Pourtant, la législation britannique complique singulièrement les possibilités de faire grève: les syndicats sont obligés d’organiser au préalable un vote de leurs membres par voie postale, et au moins la moitié doivent émettre un vote valable.

Le mécontentement est assez général: la crise actuelle du pouvoir d’achat jette directement dans la pauvreté des milliers de travailleurs qui n’ont pas droit à de vraies augmentations de salaire. Après douze années d’économies dans les services publics, les Britanniques en ont marre de cette austérité. Entretemps, le gouvernement britannique désire continuer de restreindre le droit de grève, mais il n’arrive pas à faire rentrer le génie des protestations dans sa lampe. Pire encore, le parti gouvernemental conservateur s’enlise dans des contradictions internes et la Première ministre, Liz Truss, a été contrainte de démissionner après un mandat de 44 jours seulement.

«Le gouvernement croyait que les travailleurs ne pourraient faire preuve de solidarité. Il s’est trompé.» Mick Lynch, syndicaliste

Enough is Enough

Mick Lynch est devenu le symbole du mouvement de protestation de la classe ouvrière. Il plaide pour des actions communes: «Tous les syndicats, qu’ils soient modérés ou radicaux, doivent s’unir et faire front avec les travailleurs». En tant que cofondateur de Enough is Enough, une coalition hétéroclite de divers syndicats et mouvements sociaux, il veut fournir une soupape de sûreté qui permette à la population d’exprimer sa colère. «Bon nombre de gens, en particulier les jeunes générations, veulent un réel changement. Ils veulent des dirigeants politiques qui se soucient de l’environnement et des minorités. Ils en ont marre des inégalités. Ils veulent à nouveau pouvoir compter sur un État-providence et des soins de santé de qualité. Notre message est que toutes ces campagnes doivent se rassembler en un mouvement progressiste.»

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