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L'info n°510/03/23

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«Une manière de juger très interpellante»

Fin 2022, le tribunal du travail de Bruxelles a estimé que la collaboration entre un chauffeur indépendant et Uber ne devait pas être requalifiée en relation salariée. Le décès d’un livreur de repas à vélo, en février dernier, illustre dramatiquement l’absence de protection par le droit du travail de ces (faux) indépendants (lire L’Info n°4). Martin Willems, représentant de la CSC United Freelancers, commente cette décision de justice, contre laquelle la CSC a interjeté en appel.

Propos recueillis par Donatienne Coppieters

La commission Relations de travail a été saisie à deux reprises concernant le statut de livreurs Deliveroo et d’un chauffeur Uber. Quels avis a-t-elle rendus?

La commission Relations de travail peut être saisie par tout travailleur ou employeur travaillant en Belgique qui veut savoir si sa fonction relève plus du statut d’employé ou d’indépendant.

En 2018, deux livreurs de Deliveroo, accompagnés par la CSC, ont saisi la commission, qui a estimé que ces livreurs devaient être salariés. Mais Deliveroo a contesté la décision devant le tribunal du travail, qui a annulé la décision de la commission.

Il y a deux ans, un chauffeur Uber, lui aussi accompagné par la CSC, a saisi la commission, qui a décidé fin 2020 que ce chauffeur devait être salarié. Uber a également contesté cette décision devant le tribunal du travail, probablement parce qu’il y voyait un précédent dangereux. Le jugement rendu fin 2022 dit que la décision de la commission Relations de travail est mauvaise, et que le chauffeur peut être indépendant. La CSC a interjeté appel, tout comme l’État belge et l’ONSS.

Un jugement favorable aurait eu une portée symbolique très importante.

Quel est le raisonnement du tribunal dans l’affaire Uber et Deliveroo?

Le tribunal a vérifié les critères qui ont été établis par les interlocuteurs sociaux, et a constaté dans les deux cas que les critères étaient remplis, et que la présomption allait dans le sens de considérer ces travailleurs comme salariés. Malgré cela, il a pris en compte les critères généraux, qui sont très flous, et finalement, il n’a pas vraiment vu de raison de contester les dires des employeurs. Cette manière de juger est très interpellante, parce que ça veut dire que même dans des secteurs reconnus par le législateur et les interlocuteurs sociaux comme étant sensibles à la fausse indépendance, le tribunal n’en tient pas compte.

Si le jugement avait été favorable, quelles auraient été les conséquences pour les secteurs concernés?

Pour Deliveroo, il s’agit de deux livreurs sur plus de 10.000 qui travaillent chaque année. Pour Uber, il s’agit d’un chauffeur sur 3.000. Ç’aurait eu une indication symbolique importante, qui aurait permis d’aller à l’inspection sociale, et de lui demander pourquoi ce statut de salarié ne s’applique pas à tous les autres.

© La CSC