«Si je divorce, je suis foutue»
Les travailleuses ont partagé leur expérience avec beaucoup d’émotion.
Une trentaine de déléguées CSC bruxelloises des titres-services ont témoigné des douloureuses conséquences des prix élevés de l’énergie sur leur vie.
David Morelli
À l’issue des tours de table, le constat est aussi simple que dramatique: les factures d’énergie sont devenues impayables pour la plupart d’entre elles. Sur les 32 travailleuses présentes, plus de la moitié ont vu leurs factures augmenter l’année dernière, et ce, pour des montants allant de 25 jusqu’à 370 euros par mois. Sans compter les régularisations, pouvant aller jusqu’à plus de 2.000 euros pour certaines. Pour celles que le tarif social a pu protéger jusqu’à présent, le spectre de sa disparition progressive constitue une source d’angoisse quant aux conséquences sur leur budget. Même angoisse pour celles dont le contrat d’énergie à tarif fixe touche à sa fin.
La courbe descendante des prix de l’énergie depuis août ne s’est jusqu’à présent pas traduite par une adaptation des acomptes, souvent surévalués par les fournisseurs d’énergie. Ces travailleuses ont donc dû composer pour pouvoir gérer leurs factures avec leur maigre salaire. Pour rappel, le salaire moyen dans ce secteur est de 1.000 euros net/mois… Au-delà des chiffres, leur témoignage est édifiant. Il est révélateur de la détresse de tout un secteur et, malheureusement, de bon nombre d’autres travailleurs et travailleuses, partout dans le pays, face à une hausse du coût de la vie qui tire la leur vers le bas.
Présentation de quelques extraits des expériences de (sur)vie échangées, parfois avec des larmes dans les yeux.
La CSC met la pression sur le gouvernement pour, entre autres, aboutir à un blocage des prix de l’énergie au niveau national, à des augmentations de salaire brut et au maintien de l’indexation automatique des salaires.
Plus d’infos:
www.lacsc.be/index
«J’ai recommencé à travailler au noir le samedi et le dimanche. En quittant l’Amérique du Sud pour la Belgique, je croyais que j’allais trouver une vie meilleure. Aujourd’hui, dans les conditions actuelles, j’hésite à y retourner. La retraite dans mon pays d’origine est à 60 ans. Je ne vois pas comment je vais tenir ici jusque 67 ans. Ma fille s’est mariée le mois passé. Je n’avais pas d’argent pour l’aider pour la fête. On a fait un petit repas à la maison. J’aurais voulu offrir un restaurant.»
«Après le travail, je fais du baby-sitting au noir trois fois par semaine.»
«J’essaie de rester mariée. Car si je divorce, je suis foutue.»
«J’ai perdu quatre kilos, car je n’ai plus d’argent pour me permettre le moindre petit écart, la moindre petite friandise.»
«Avant, j’allais régulièrement chez le kiné, car j’ai des problèmes de santé à cause de mon métier d’aide-ménagère. Maintenant, j’ai arrêté, je n’ai plus d’argent pour le payer. Je suis prof de danse le week-end, au noir. Je n’ai plus de hobby, car je ne peux pas les payer. Et encore, j’ai mon fils qui a trouvé un petit travail et qui rapporte un peu d’argent à la maison. Sinon, je ne sais pas comment je ferais.»
«Je suis maman seule avec trois enfants aux études. Quand je ne travaille pas, je reste seule à la maison, car je n’ai pas d’argent pour faire quoi que ce soit.»
«Pour aller voir ma famille au Maroc, j’ai fait un prêt. Sinon, mes enfants ne peuvent pas aller voir leurs grands-parents.»
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