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L'info n°2109/12/22

Dégressivité des allocations de chômage Dix ans d’inefficacité. Supprimons-la!


Le gouvernement espérait que la diminution des allocations produirait un effet sur le comportement de recherche d’un emploi.

Un rapport de l’Onem constate l’absence de preuve qu’une diminution du revenu de remplacement versé à un chômeur l’inciterait à revenir à l’emploi.

D. Zehnder & P. van Looveren (adapt. D.Mo)

En novembre 2012, le gouvernement Di Rupo réformait l’assurance-chômage, notamment en renforçant la dégressivité des allocations. Avec cette mesure, les allocations de chômage diminuent de manière plus rapide, jusqu’à atteindre un strict minimum (voir encadré P6). Cette réforme visait, après la crise financière de 2008, à économiser sur les dépenses liées aux allocations en remettant plus vite les chômeurs à l’emploi sur base d’un postulat: si on réduit leurs allocations, ils chercheront vite du travail. Dix ans après la mise en œuvre de cette réforme, une étude de l’Onem constate l’absence de preuve d’une incidence de la baisse progressive des allocations sur les transitions vers l’emploi, confirmant ainsi ce que la CSC dit depuis des années: il est inutile de pousser les gens vers l’emploi avec des menaces financières. Et l’économie réalisée entre 2012 et 2020? Elle ne dépasse pas 0,5% des dépenses totales…

Le dogme du taux d’emploi

«Depuis toujours, nous sommes contre la dégressivité des allocations de chômage» rappelle Khadija Khourcha, responsable des Travailleurs sans emploi (TSE) de la CSC. «Si le chômage en Belgique est à durée indéterminée, le montant octroyé est l’un des plus bas en Europe. En le diminuant, les gens se demandent comment ils vont finir le mois et donc sont moins disponibles pour chercher sereinement un emploi.» En prenant cette mesure, le gouvernement espérait que la diminution des allocations aurait un effet sur le comportement de recherche: «tant les organisations de lutte contre la pauvreté que les syndicats ont affirmé que le renforcement de la dégressivité ne ferait que pousser plus de gens vers la pauvreté et qu’ils ne trouveraient pas plus vite un nouvel emploi» rappelle son homologue néerlandophone, Karim Dibas. Un avis que confirme le nouveau rapport de l’Onem.

Depuis toujours, la CSC est contre la dégressivité des allocations de chômage.

Au-delà de son inefficacité, cette mesure interroge sur la manière dont les pouvoirs publics s’acquittent de leur mission de protection des chômeurs. «Le rapport stipule que les pouvoirs publics négligent un des objectifs principaux des allocations de chômage: éviter le risque de pauvreté pour les personnes qui perdent leur emploi», constate le responsable néerlandophone. «Depuis longtemps, ajoute Khadija, l’objectif des pouvoirs publics est de faire sortir, à n’importe quel prix, les gens du chômage à l’aune du dogme du taux d’emploi. L’objectif de la dégressivité, c’est de rendre invivable l’existence de la personne au chômage. Plutôt que d’inclure de plus en plus de gens dans la sécurité sociale, on a l’impression qu’il y a un tri entre ceux qui sont employables et que l’on oblige à accepter n’importe quel boulot sous couvert de pénurie d’emplois, au risque de passer pour un fainéant, et ceux qui, trop éloignés de l’emploi, s’enlisent dans le chômage. Le marché du travail n’en veut pas parce qu’il a assez de gens qui sont qualifiés, qui sont en bonne santé. On va vers ce type de société de ceux qui sont à l’intérieur et ceux qui sont à l’extérieur.»

Un levier d’action

Et Khadija de conclure: «L’idéologie est aussi un obstacle à l’emploi. Il y a, en effet, plein de besoins qui ne sont pas rencontrés, mais qui n’intéressent pas les entreprises parce qu’il n’y a pas de profits intéressants à la clé. Ce rapport de l’Onem est un levier pour reprendre les actions et exiger la suppression de la dégressivité.»

97%

Lors d’une enquête réalisée récemment par les TSE auprès de 2.265 demandeurs d’emploi, 97% ont indiqué qu’ils éprouvaient des difficultés à joindre les deux bouts. 15% doivent faire appel à leur famille. 22,5% doivent puiser dans leurs économies (pour autant qu’ils en aient).

Trois périodes d’indemnisation

Le montant des allocations de chômage diminue en trois phases et dépend de la situation familiale.

Le cohabitant avec charge de famille reçoit 65% de sa dernière rémunération pendant les trois premiers mois et 60% du 4e au 12e mois, puis cela dépend de la longueur de sa carrière professionnelle. En dernière phase, son allocation forfaitaire est de 1.537,90 euros/mois.


L’isolé
reçoit 65% de sa dernière rémunération pendant les trois premiers mois et 60% du 4e mois au 12e mois, puis 55% pour une durée qui dépend de la longueur de sa carrière professionnelle. En dernière phase, son allocation est de 1.246,18 euros/mois.

Le cohabitant reçoit 65% de sa dernière rémunération pendant les trois premiers mois et 60% du 4e au 12e mois, puis 40% pour une durée qui dépend de la longueur de sa carrière professionnelle. En dernière phase, son allocation est de 646,88 euros/mois.

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