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L'info n°2109/12/22

Blocage salarial et amélioration de la liaison au bien-être


Le budget initialement prévu en 2023-2024 pour les chômeurs (99,8 millions d’euros) est raboté de 40,4 millions d’euros.

Norme salariale, enveloppe bien-être, deal pour l’emploi… le point sur l’actualité politique de cette fin d’année.

Chris Serroyen

La Chambre et le gouvernement fédéral ne semblent pas vouloir se hâter de mettre la loi sur la norme salariale en conformité avec les normes de l’Organisation internationale du travail (OIT) en matière de liberté de négociation collective. Ce dossier, qui était bloqué au sein du gouvernement, reste dans l’impasse. Le 28 novembre, le gouvernement a confirmé que la norme salariale resterait fixée à 0,0% pour 2023-2024. En guise de lot de consolation, les secteurs ont toutefois la possibilité de négocier une prime unique. En 2021, il s’agissait de la prime corona de maximum 500 euros nets, non taxée, avec seulement 16,5% de cotisations patronales pour l’ONSS, et limitée aux entreprises qui avaient enregistré de bons résultats.

En 2023, il s’agira d’une prime énergie allant jusqu’à 750 euros nets (plus 16,5% de cotisations patronales). Toutefois, sous la pression des employeurs, l’octroi de la prime par voie de convention collective de travail sectorielle sera beaucoup plus strictement réglementé. Une telle CCT doit d’abord définir ce qu’il faut entendre par «entreprise qui a réalisé des bénéfices élevés ou exceptionnellement élevés en 2022». Les entreprises qui ont réalisé des bénéfices élevés peuvent accorder une prime énergie allant jusqu’à 500 euros. En cas de bénéfices exceptionnellement élevés, cette prime peut aller jusqu’à 750 euros. Alors que pour une CCT d’entreprise, tout bon résultat suffit pour bénéficier d’une prime énergie. Il y a toutefois un nouvel élément: le gouvernement ne veut instaurer cette mesure qu’après accord des syndicats, d’ici au 1er décembre 2022, sur la norme salariale de 0,0% et la paix sociale pour 2023-2024.

La CSC continuera à contester très fermement la loi sur la norme salariale, aussi au niveau européen. D’ici quelques semaines, conjointement aux autres syndicats et à la Confédération européenne des syndicats (CES), elle lancera une procédure auprès du Comité européen des droits sociaux (CEDS) afin de dénoncer l’incompatibilité de cette loi avec la Charte sociale européenne.

0,0%

C’est ce à quoi resterait fixée la loi sur la norme salariale en 2023-2024.

Liaison au bien-être: le gouvernement renie sa parole

Un accord au sein du gouvernement sur la norme salariale à 0,0% était la condition préalable des libéraux pour débloquer les fonds pour la liaison au bien-être en 2023-2024. 

Il apparaît à présent que le budget initialement prévu pour les chômeurs (99,8 millions d’euros) est raboté de 40,4 millions d’euros, en limitant encore à 1,3% les augmentations prévues pour les minima des chômeurs complets (y compris les bénéficiaires du RCC), alors que le gouvernement lui-même avait d’abord annoncé des augmentations de 2 à 3,5%. Ces 40,4 millions sont désormais transférés aux travailleurs, afin d’augmenter le bonus social à l’emploi pour les bas salaires. L’engagement pris en 2019 dans l’accord de gouvernement de respecter 100% du budget de la liaison au bien-être n’a donc manifestement pas beaucoup de valeur. Notons que, hormis pour les minima du chômage, le gouvernement reprend en grande partie les mesures de 2021-2022 pour 2023-2024.

Deal pour l’emploi sur les rails

La loi portant diverses dispositions relatives au travail, soit le principal volet du deal pour l’emploi, a enfin été publiée au Moniteur belge. Plusieurs chapitres sont entrés en vigueur le 20 novembre: la possibilité pour le travailleur de demander une semaine de quatre jours ou une semaine de travail en alternance, les parcours de transition pour les travailleurs licenciés, ainsi que le travail de nuit dans l’e-commerce. Les autres mesures n’entreront en vigueur que le 1er janvier 2023, notamment le droit individuel à la formation pour tout travailleur à l’égard de son employeur. D’ici au 1er janvier 2023, cette loi stipule qu’il faut également conclure des accords d’entreprise sur la concrétisation du droit à la déconnexion. C’est un peu à la dernière minute! Dans l’intervalle, le ministre du Travail, Pierre-Yves Dermagne, a décidé de reporter le délai au 1er avril 2023.

Une version antérieure du projet de loi mentionnait également l’introduction d’un compte de formation individuel auprès de l’ONSS. Il obligerait les employeurs à tenir un registre du nombre de jours de formation auxquels le travailleur a encore droit. Ce chapitre a cependant été supprimé. Depuis, un nouveau projet de loi a été soumis au Conseil national du travail à ce sujet. Il ne serait plus seulement question des droits prévus dans le deal pour l’emploi, mais aussi des droits à la formation mentionnés dans les CCT sectorielles, afin de développer un instrument pratique pour les interlocuteurs sociaux sectoriels. Par ailleurs, l’ONSS a déjà commencé à tout préparer. La date d’entrée en vigueur sera fixée en fonction des avancées dans cette institution. Le projet de loi prévoit toutefois qu’elle ne peut être postérieure au 1er janvier 2024.

D’autres lois et arrêtés régissent d’autres parties du deal pour l’emploi, notamment l’inscription obligatoire des chômeurs temporaires comme demandeurs d’emploi. Cet arrêté a déjà été publié. Il prévoit qu’en cas de chômage économique ou de chômage pour force majeure, l’inscription doit intervenir dans un délai de trois mois, le compteur étant activé le 1er septembre. En d’autres termes, les premières inscriptions doivent être enregistrées le 1er décembre. Aucune sanction n’est prévue à ce stade en cas de non-inscription.

Congé de vaccination pro forma

Au chapitre des lenteurs décisionnelles, signalons que le 10 novembre, le Parlement a enfin adopté le texte relatif au congé de vaccination pour les vaccinations d’automne contre le Covid-19. Il a été publié le 21 novembre, alors que les vaccinations d’automne sont quasiment terminées. Les employeurs à l’esprit étriqué ont donc pu continuer à refuser le congé de vaccination pendant toute cette période.

15% de précompte professionnel bis

Les employeurs n’ont ici pas attendu le vote et la publication pour mettre massivement les travailleurs en chômage «énergie», à hauteur de 70% du salaire plafonné et avec un supplément de l’employeur ou du secteur d’au moins 6,10 euros par jour (en brut, bien entendu). Rappelez-vous qu’un taux réduit de précompte professionnel avait également été instauré pour les chômeurs temporaires dans le cadre du chômage corona: 15% au lieu de 26,75%. Cette mesure n’a plus été prolongée après le 30 juin, dernier jour où le chômage corona était possible.

À la surprise générale, le site du Fisc a publié un communiqué précisant que ces 15% seront rétablis pour le chômage temporaire, de novembre 2022 à mars 2023. Un arrêté royal doit encore réglementer cette mesure, mais tous les organismes qui versent des allocations de chômage temporaire ont été invités à agir en conséquence. Cette mesure vaut pour les allocations de l’Onem ainsi que pour le supplément de 6,10 euros du nouveau régime temporaire de chômage «énergie». Nous insistons à nouveau sur le fait qu’il ne s’agit pas d’une réduction d’impôts, mais d’une diminution des «avances». Moins il y a d’avances, plus l’impôt final sera élevé, et plus nous devrons conseiller aux travailleurs de mettre de côté quelques poires pour la soif (fiscale).

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