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L'info n°1109/06/23

Europe «Les syndicats, en tant que mouvement, peuvent réellement apporter le changement»

Rencontre avec Tea Jarc, 35 ans, élue au poste de Secrétaire confédérale durant le congrès de la CES.

Propos recueillis par Mathilde Delsoir

Pourquoi avez-vous décidé de vous consacrer au syndicalisme européen?

Dans le passé, j'ai été présidente du Comité des Jeunes de la CES. Cela m'a donné l'occasion de travailler avec des collègues de toute l'Europe, d'apprendre d'eux et de m'assurer que la voix des jeunes au sein des syndicats était entendue. Je voulais donc contribuer à la mise en œuvre de ce potentiel afin de renforcer le mouvement, d'apporter des changements là où c'est nécessaire, mais aussi d'aller plus loin dans tout ce que nous faisons dans la rue, dans les politiques, au sein de nos propres structures, avec les parties prenantes. Je veux simplement faire partie de cette histoire extraordinaire, et y contribuer avec tout ce que j'ai à offrir.

Quelle est, selon vous, la différence entre le travail au niveau national et européen?

Je pense que nous avons beaucoup plus de liens avec nos membres au niveau national. C'est un militantisme plus «local», plus tangible. Je dirais aussi que les résultats sont visibles dès le lendemain ou la semaine suivante, alors qu'au niveau européen, nous devons être patients, car l'élaboration d'une politique européenne prend du temps. Avant l'adoption d'une déclaration, d'une résolution ou d'une directive quelconque, il faut du temps, il faut beaucoup de consultations entre les États-membres, le Parlement européen et la Commission européenne… mais en même temps, les résultats sont beaucoup plus larges, et ils touchent une population plus importante et plus vaste. Nous devons relier les besoins des membres de la base au niveau européen, et rapprocher le niveau européen de nos membres qui travaillent dans les usines, dans les rues, dans différents secteurs.

Selon vous, quel est le point d'action le plus important pour lequel nous avons voté lors de ce Congrès?

Tous, bien sûr, mais comme les élections européennes approchent, je voudrais vraiment souligner l'importance de commencer à faire campagne pour l'Europe sociale. Nous avons une occasion unique de mobiliser nos membres, tous les travailleurs, pour qu'ils participent aux élections européennes et défendent des idées progressistes, car nous risquons la montée de l'extrême droite. Si elle obtient plus de sièges au Parlement, nous ne pourrons faire passer aucune de nos propositions politiques. Je pense donc que la lutte contre l'extrême droite est la priorité absolue jusqu'aux élections européennes, au niveau national et partout où c'est possible.

Nous n'acceptons pas les mesures d'austérité, la flexibilisation du marché du travail, la dégradation des normes du travail.

Quels sont les autres défis pour les syndicats dans les années à venir?

Nous sommes confrontés à la guerre en Ukraine, à la crise de l'énergie, à une énorme inflation. Nous devons nous assurer que la réponse de l'Europe va dans le sens du bien-être des citoyens et de l'environnement plutôt que dans la sauvegarde des bénéfices du capital. Je pense donc que nous devons envoyer un message très clair: nous n'acceptons pas les mesures d'austérité, nous n'acceptons pas la flexibilisation du marché du travail, nous n'acceptons pas la dégradation des normes du travail et toutes ces choses sont toujours menacées lorsque nous sommes confrontés à la crise. Et c’est exactement le moment où nous nous trouvons. Nous devons donc nous pencher sur la situation actuelle mais nous devons aussi être plus ambitieux et visionnaires et rêver à une réalité différente que nous pourrions atteindre ensemble en tant que syndicats.

Avez-vous un message pour les jeunes syndicalistes de Belgique?

Activez-vous, soyez bruyants, provocateurs, soyez le changement au sein de vos organisations et battez-vous pour votre siège, car nous savons qu'il n'est pas facile pour les jeunes syndicalistes d'être entendus, de faire partie des processus de prise de décision. Ici, au Congrès, nous avons adopté le quota de jeunes. Ce serait formidable de voir, dans toutes les organisations, des jeunes prendre part aux processus décisionnels et mettre en œuvre le quota de jeunes, ou toute autre mesure qui garantirait une représentation équitable des jeunes.

Un mot de conclusion?

Je crois vraiment que les syndicats, en tant que mouvement, sont le mouvement le plus important qui peut réellement apporter le changement. Il y a bien sûr beaucoup d'autres initiatives, mais le monde du travail est tellement important. Nous représentons tellement de millions de personnes que si nous nous unissons, si nous surmontons nos différences nationales, je crois vraiment – non pas parce que je suis jeune et naïve, mais parce que je suis prête à me battre pour cela - qu’un système différent est possible. Donc, si nous unissons cette énergie, je suis sûre que nous pouvons réussir.

© Tea Jarc