Ce 22 mai, nous étions 25.000 dans les rue de Bruxelles pour dénoncer
les attaques au droit de grève.
En contrepoint au recours au droit de grève par les syndicats, les partis et employeurs hostiles à l’action syndicale revendiquent le droit de faire fonctionner normalement une entreprise, même si des travailleurs arrêtent le travail.
D.Mo.
«Revendiquer le fonctionnement normal de l’entreprise en période de grève consiste à vider le droit de grève de sa substance puisque, précisément, une grève permet d’exercer une pression économique pour pousser l’employeur à une négociation collective, explique Jean-François Libotte, du service d’études de la CNE. Le piquet de grève fait partie intégrante du droit de grève, pour autant qu’il ne s’accompagne pas de faits de violence physique à l’égard de biens ou de personnes.»
Les contradicteurs défendent une autre vision: pour eux, le droit de grève n’est que l’arrêt de travail. À leurs yeux, le reste constitue des voies de fait, et ils font valoir des droits de propriété, de liberté d’entreprise, et la liberté de travailler pour les travailleurs ne participant pas à la grève. «Les avocats des employeurs, lorsqu’ils se présentent devant les tribunaux, viennent en qualité de défenseurs de certaines personnes – les non-grévistes qui voudraient travailler, les fournisseurs qui voudraient accéder au dépôt, les clients qui voudraient entrer dans le magasin, etc. Les modalités de l’action des syndicats violeraient les droits de ces tiers. Certains juges s’estiment compétents pour trancher ce type de demande. C’est par ce biais qu’on arrive à cette judiciarisation des conflits sociaux, c’est-à-dire que les cours et tribunaux se mettent à se pencher sur des cas de conflits collectifs», explique Jean-François Libotte.
Comme d’autres employeurs depuis une dizaine d’années, Delhaize use du procédé d’ordonnance sur requête unilatérale. Invoquant l’extrême urgence, l’employeur se présente seul devant le juge du tribunal de première instance, et lui demande d’interdire à quiconque qui se trouverait à proximité d’un magasin ou d’un dépôt d’entraver leur accès. Cette procédure, qui débouche sur des ordonnances, aboutit à l’intervention intimidante des huissiers de justice et des forces de l’ordre – on se rappellera à cet égard l’arrestation de plusieurs permanents avec menottes. Ce recours prive les travailleurs de leur seul levier face à la décision unilatérale de Delhaize, et pose des questions d’ordre pratique et déontologique dans le chef des huissiers et des forces de l’ordre.
© Donatienne Coppieters