Qu’on le veuille ou non, il est dans la nature humaine de se déplacer; c’est un constat fondamental. Si elles sont parfois positives et volontaires, les migrations sont le plus souvent non désirées. Des hommes, des femmes et des enfants, seuls ou en famille, quittent leur pays pour fuir la guerre, l’insécurité, le mal‑développement, ou, désormais, les effets des changements climatiques. Alors que, dans un contexte mondial instable, les mouvements migratoires s’accentuent, l’Union européenne (UE) s’embourbe dans une politique migratoire où la non-responsabilité et l’utilitarisme ont pris le pas sur le respect des droits humains. «On assiste à une limitation des voies légales et sûres de l’immigration, comme le regroupement familial, la réinstallation ou les visas humanitaires, rendues de plus en plus inaccessibles par des critères de plus en plus difficiles à remplir pour les migrants, explique Cécile Vanderstrappen, chargée de recherche et de plaidoyer sur la justice migratoire au CNCD-11.11.11. Faute de voies légales, ces derniers n’ont d’autre choix que d’emprunter les voies irrégulières de la migration, synonymes de recours à des intermédiaires et, souvent, de violences – voire de mort – sur le parcours de l’exil.» Plus de 30.000 migrants sont décédés depuis 2014, rien que sur les voies maritimes.
Pour protéger leurs frontières, certains pays, comme l’Italie ou la Grèce, opèrent des refoulements en toute impunité et au mépris de la sécurité des migrants. Ces agissements, contraires aux exigences de la protection internationale, ne sont qu’un pan de la politique d’externalisation via laquelle l’UE délègue les questions migratoires à des pays tiers en leur demandant de jouer le rôle de gendarme. L’objectif est double: augmenter les retours et limiter les départs en amont. «Depuis 2015, on assiste également à une sorte de tri aux frontières sur base du pays d’origine. Ce tri est contraire à l’esprit de la convention de Genève, qui s’attache à étudier individuellement le cas de chaque personne et à ne pas accélérer sa procédure d’asile en fonction de son pays d’origine.»
+ de 30.000
c’est le nombre
de migrants décédés en mer depuis 2014.
Les migrants qui réussissent à entrer sur le territoire européen doivent attendre le résultat de la procédure de demande d’asile dans des conditions indignes. La plupart des pays européens, dont la Belgique (cf. page 7), ne remplissent plus leur devoir d’hébergement. Il est à cet égard légitime de se demander s’il existe une volonté délibérée des États européens de ne pas accueillir dignement les migrants (à l’exception notable des Ukrainiens) et de laisser s’enliser la situation afin de ne pas créer le fameux «appel d’air». Ce faisant, l’Europe envoie un message clair aux candidats à la migration: «ne venez pas, la situation est catastrophique». Des propositions de solutions sont actuellement négociées dans le cadre d’un futur Pacte européen pour l’asile et la migration, censé régler la situation à court et à long terme. Mais, couplées à la situation d’enlisement, ces propositions ne vont malheureusement pas dans le sens d’une véritable justice migratoire…
Et les demandeurs d’asile qui reçoivent une réponse négative à l’issue de la procédure? Nombre d’entre eux décident de rester malgré les ordres de quitter le territoire, estimant que leur sécurité n’est pas assurée dans leur pays d’origine, ou que les conditions de vie n’y sont pas décentes pour leur famille. Mais au vu de la manière dont la plupart sont «accueillis» aujourd’hui, leurs conditions de vie seront-elles vraiment plus décentes?
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