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L'info n°227/01/23

«La carte citoyenne permettra aux droits actuels d’être effectifs»

Nom: Joachim Debelder

Fonction: Chargé de projet et de recherches à IRFAM

À Liège, l’Institut de Recherche, Formation et Action sur les Migrations (IRFAM) tente de mettre sur pied une carte citoyenne communale. Photographie d’un projet en construction avec Joachim Debelder, chargé de projet et de recherches à l’IRFAM.

David Morelli

En quoi consiste la carte citoyenne communale (CCC)?

C’est un concept qui vient des États-Unis, et principalement de New York. Il s’agit de cartes d’identité émises par les autorités communales à l’attention de toute la population d’une localité, indépendamment de sa situation migratoire ou de son statut administratif. Derrière cette carte, il y a le constat que certaines personnes n’ont pas accès à des droits fondamentaux. La CCC s’adresse à toute la communauté des citoyens liégeois, mais répond d’abord aux besoins de certains groupes: sans-papiers, personnes victimes de violences conjugales ou sexistes, personnes trans*, sans-abris qui doivent parfois justifier de leur présence dans la commune pour accéder à certaines allocations… Ce document pourrait être utilisé pour signer un bail locatif, accéder à l’ensemble des services communaux ou encore, théoriquement, ouvrir un compte bancaire.

Cette CCC apporte-t-elle de nouveaux droits aux personnes migrantes?

Elle n’apporte aucun droit supplémentaire mais elle pourrait rendre effectifs les droits actuels. Actuellement, il est problématique qu’un document unique lie le document d’identité fédéral et le titre de séjour: sans ce titre, pas de carte d’identité. Or, il faut pouvoir prouver son identité pour avoir accès à des droits qui ne dépendent pas du titre de séjour. La CCC se veut un moyen d’identification alternatif qui permet localement de faire valoir les droits fondamentaux et la participation sociale. Face à la police communale, par exemple, ce document permettra aux sans-papiers de prouver leur identité, ou aux femmes sans-papiers de porter plainte en cas de violences sans risquer une expulsion. Mais il est important que la CCC ne soit pas assimilée à une carte pour les sans-papiers.

Cette carte n’est ni une carte de sans-papiers, ni une carte d’identité au rabais: c’est une carte de citoyen.

Où en êtes-vous dans la réalisation de ce projet?

Ce type de carte a déjà été mis en place à Zurich, Barcelone, Utrecht ou encore Paris, avec une gestion et des ambitions différentes. On y réfléchit pour Liège depuis quelques années, et maintenant au sein du collectif Liège Ville Hospitalière. Le collège communal a récemment approuvé la création d’un groupe de travail avec la ville et les acteurs associatifs pour travailler la question de la faisabilité juridique de l’outil.

Quels sont les leviers et les freins?

La peur de l’inconnu représente actuellement un frein. On doit désamorcer des craintes, parmi lesquelles celle que la CCC devienne un signe de précarité administrative ou sociale. Par contre, la CCC est intéressante pour les autorités communales, notamment en termes de cohésion sociale. Il faudra prendre le temps de tester cette proposition, de la nourrir des expertises de la communauté et de situations précises du quotidien. C’est pour cela que nous travaillons avec beaucoup d’autres associations. Cette carte n’est ni une carte de sans-papiers, ni une carte d’identité au rabais: c’est une carte de citoyen liégeois.

© Joachim Debelder