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L'info n°227/01/23

La Belgique, fabrique à sans-papiers

La Belgique s’est engagée à accueillir et à protéger les personnes répondant aux critères définis par la convention de Genève (voir encart). Mais force est de constater que sa politique précarise les demandeurs d’asile et fabrique des sans-papiers.

D.Mo.

La Belgique est loin de respecter ses obligations en matière de procédure d’asile et d’accueil des migrants, notamment au niveau des délais: les demandes d’asile ne sont en effet pas traitées dans les temps. La procédure, censée durer 30 jours, dure souvent entre 3 et 5 ans, et plus de 15.000 dossiers sont aujourd’hui en attente de traitement. À l’issue de cette procédure, seuls 30% des demandeurs d’asile (DA) sont reconnus comme réfugiés et reçoivent la protection internationale. Les personnes déboutées, quant à elles, reçoivent un ordre de quitter le territoire (OQT). Depuis l’introduction de leur demande, certaines d’entre elles auront passé de nombreuses années en Belgique, y auront scolarisé leurs enfants, se seront intégrées dans leur quartier, leur travail, etc. Si ces personnes décident de ne pas quitter la Belgique après avoir reçu un OQT, elles deviennent alors des sans-papiers, faute de titre de séjour. En 2019, Caritas International estimait à quelques 150.000 personnes le nombre de sans-papiers en Belgique; ils sont sans doute plus du double.

Précarisation

Durant la procédure de demande d’asile, les personnes ont droit à un accueil en termes de logement et de matériel (vêtements, nourriture…) et, quatre mois après l’introduction de leur demande, à un accès illimité au marché du travail. Sans s’appesantir ici sur la question de l’accueil, rappelons néanmoins que l’État belge a déjà reçu plus de 7.000 condamnations assorties d’astreintes (sur lesquelles il s’assied avec indécence) et contraint un nombre considérable de DA à dormir à la rue cet hiver. Abordons plutôt une situation peu connue en matière d’emploi. Dans un contexte de pénurie dans certains secteurs, des agents du Forem et des agences d’intérim réalisent des screenings de compétences dans les centres pour «activer» ces DA. Si l’on fait abstraction de l’opportunisme utilitariste de la démarche, cette possibilité de trouver un emploi dans le circuit légal est positif. Mais il recèle un important effet pervers: outre le fait que les travailleurs doivent remettre 70% de leur salaire à Fedasil, après 6 mois de travail ou l’obtention d’un CDI, ils doivent quitter le centre qui les héberge. Ces personnes en procédure de demande d’asile doivent alors se débrouiller pour trouver un logement en un mois… Quitter le centre signifie également perdre l’accès à l’accompagnement des travailleurs sociaux qui les soutiennent dans leurs démarches. Une situation qui plonge de nombreux DA dans la précarité.