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L'info n°821/04/23

«Pas un jour sans accident»


La plupart des accidents arrivent à cause du matériel qui traîne, ou du sol glissant.

Steve*, électricien dans la construction, aborde pour L’Info son expérience professionnelle.

Propos recueillis par An-Sofie Bessemans

Vous ne verrez pas de lettrage publicitaire sur nos camionnettes: le bouche-à-oreille est notre meilleure publicité. Cette proximité n’implique pas nécessairement que les clients nous apprécient davantage. Je pense que l’on ne me propose pas une tasse de café plus de dix fois par an. Je me souviens quand même d’une dame qui, lors de notre dernier jour de travail, a caché une bouteille de champagne dans mon frigobox. Elle était contente de notre travail, et savait qu’on passait beaucoup de temps sur la route pour rejoindre son chantier.

Nous devons aller de plus en plus vite, avec de moins en moins de personnel. Ce n’est pas facile, car les travaux que je réalise dans une maison, je les fais comme si je devais y habiter. Rénover une maison coûte toujours plus cher que les gens ne le pensent au départ. Ils se mettent alors à douter pendant les travaux, ou attendent pour les luminaires. Ils se disent qu’une ampoule, ça suffit pour éclairer. Nous ne faisons plus beaucoup de nouvelles constructions. Et quand on construit, c’est souvent une maison en forme de cube, avec des panneaux solaires sur un toit plat. Le plus souvent, nous construisons une annexe ou rénovons un rez-de-chaussée. Les gens continuent à habiter dans la maison pendant les travaux. Je préfère ça, d’ailleurs. Ça m’évite de devoir casser ce que j’ai déjà fait, puisque je peux discuter avec les clients au quotidien. Je peux aussi leur faire des suggestions.

Après trente ans de travail sur des chantiers, mon dos est usé.

Sur toutes ces années, je ne me rappelle que d’une seule visite de l’inspection. Et pourtant, des accidents, il y en a tous les jours. Un collègue a été en incapacité pendant onze mois. Il est tombé d’un toit sur lequel il travaillait, sans protection. La plupart des accidents arrivent à cause du matériel, des câbles qui trainent ou du sol glissant. L’alcool sur les chantiers? Non, ça n’existe plus.

Je ne sais pas si mes enfants pourront encore acheter une maison. Les banques demandent un apport personnel important avant d’octroyer un prêt. Nous avons du mal à mettre de l’argent de côté. Comment pourrions-nous les aider? Heureusement, mes enfants sont des travailleurs, et ils ont tous les deux un job étudiant. Mais je regrette qu’ils doivent parfois laisser tomber les mouvements de jeunesse pour aller travailler.

Beaucoup de parents dévalorisent l’enseignement technique et professionnel. Je n’ai pas pu faire d’études, mais mon fils a un diplôme en architecture appliquée et poursuit maintenant ses études pour obtenir un master. Nous devons travailler de manière plus écologique, mais cela demande du temps, de l’argent et de la volonté politique. Démonter un bâtiment pierre par pierre en triant les matériaux, ça coûte beaucoup plus cher que de laisser une grue faire tout le travail. Patrimoine et écologie sont aussi difficiles à concilier. Pendant un chantier à l’Église Notre-Dame de Bruges, j’ai remarqué que les noms des artisans qui ont perdu la vie pendant la construction de l’église sont gravés dans les marches de l’escalier de la tour. C’est très particulier.


*Steve est un nom d’emprunt.