Défense du droit de grève: un nouveau front face à Delhaize
Après l’annonce unilatérale de la direction de Delhaize de procéder à la franchisation de 128 magasins, les travailleurs de Delhaize, appuyés par leurs organisations syndicales, ont lancé un mouvement de grève massif et de longue durée dans les magasins. Le 12 avril dernier, la CSC et ses centrales ont ouvert un front juridique devant le tribunal de première instance de Bruxelles, pour défendre le droit de grève, largement bafoué par Delhaize.
David Morelli
Le 31 mars 2023, le tribunal de première instance néerlandophone de Bruxelles a rendu une ordonnance, à la demande de Delhaize, interdisant les piquets de grève devant les magasins et les dépôts de la S.A. Delhaize et de la S.A. Delhome à Bruxelles, dans le Brabant flamand et à Puurs (Anvers), entre le 1er et le 28 avril 2023. La CSC, la Centrale nationale des employés (CNE), son équivalent flamand, ACV Puls, et la CSC Alimentation & Services (CSC A&S) ont décidé de faire opposition de cette ordonnance.
«Le week-end de Pâques est le second plus gros chiffre d’affaires de Delhaize. La semaine avant, la direction de Delhaize avait mandaté en masse des huissiers pour casser les piquets de grève et tenter d’ouvrir les magasins, souligne Myriam Djegham, secrétaire nationale CNE. Les huissiers sont intervenus sur de nombreux piquets, souvent aidés par la police communale, pour intimider les travailleurs. Certains ont été “avertis” qu’en cas de nouvelle présence sur un piquet, une amende de 500€ serait due.»
«Dans la nuit du 4 au 5 avril, la direction de Delhaize a encore été un cran plus loin. Vers 2h, au dépôt de Zellik, alors que des manifestants empêchaient des camions de ravitailler les magasins, elle a fait envoyer quatre combis de police, explique Cédric Claeys, permanent CSC A&S. Une trentaine de policiers casqués en sont descendus, avec boucliers et matraques. Sans sommation, ils ont créé un corridor permettant aux camions de partir.»
Les huissiers sont intervenus sur de nombreux piquets, souvent aidés par la police communale, pour intimider les travailleurs.
Delhaize a obtenu cette ordonnance en recourant à une procédure dite «sur requête unilatérale», une procédure jugée contraire à la Charte sociale européenne par le Comité européen des droits sociaux en 2011. En effet, cette procédure exclut totalement les syndicats, qui n’ont pas la possibilité de faire valoir les intérêts légitimes des travailleurs. Au-delà de son caractère abusif, l’ordonnance rendue par le tribunal est jugée disproportionnée, tant sur la durée que sur le périmètre géographique couvert.
Pour les syndicats, cette ordonnance se situe dans le prolongement des tentatives de casser le droit de grève, qui constituent une menace tant pour les travailleurs que pour les droits démocratiques. Pour cette raison, une soixantaine de représentants de la CNE, de la CSC A&S et de la CSC, accompagnés de leurs avocats, se sont réunis le matin du 12 avril devant le Palais de Justice de Bruxelles, pour tenter de plaider le matin même le retrait de l’ordonnance. L’affaire a finalement été plaidée le 18 avril, à l’heure où nous bouclons ce numéro de L’Info.
© Photo: J.B.