Il est trop souvent répété que «l’indexation automatique des salaires n’existe qu’en Belgique», et la Belgique est assimilée à des petits pays comme le Luxembourg, Chypre ou Malte. Pourtant, l’indexation existe dans d’autres pays, bien que différemment. Quelles sont les différences avec la Belgique?
Bram Van Vaerenbergh (adapt. D.Mo.)
Il y a de bonnes raisons d’être fiers de l’index. Le système d’indexation belge suscite en effet un grand intérêt à l’étranger, et même jusqu’au Japon. «Cet intérêt va effectivement croissant: de nombreux autres pays – essentiellement européens – s’interrogent sur le fonctionnement de notre système, déclare Marie-Hélène Ska, secrétaire générale de la CSC. La Confédération européenne des syndicats (CES) marque également son intérêt. Les autres pays sont surtout intéressés par nos différents types d’indexation. Chaque système a ses avantages et ses inconvénients, mais à moyen terme, les différents types d’indexation constituent un atout.»
«Ce qui est unique dans notre système, c’est qu’il s’applique à l’ensemble du marché du travail ainsi qu’à la population inactive: toutes les allocations et les pensions sont également liées à l’index. L’OCDE et le FMI plaident pour son abolition. Or, ces organismes oublient de mentionner qu’ils appliquent eux-mêmes un système d’indexation automatique de leurs salaires, financé par les États membres, poursuit Marie-Hélène Ska. En Belgique, 98% des travailleurs sont couverts par un mécanisme d’indexation institutionnalisé. Seul le Luxembourg fait mieux que notre pays».
98%
des travailleurs belges sont couverts par un mécanisme d’indexation.
Autre élément particulièrement unique dans le système belge: les allocations et les salaires minimums sont liés à l’index. «Je pense que c’est peut-être l’élément le plus important, déclare Torsten Müller, chercheur à l’ETUI, le centre de recherche de la CES. Grâce au système belge, les salaires minimums ont été adaptés six fois – quasi instantanément – au cours de l’année écoulée. C’est important pour ce groupe de personnes, qui ressent la crise très rapidement. Les salaires minimum ont également été adaptés à l’étranger, mais il y a toujours un décalage. De plus en plus de pays essaient d’adopter une sorte d’indexation lorsqu’ils négocient les salaires.»
Il ressort d’une étude de la KULeuven que l’indexation automatique est de loin la meilleure protection contre l’érosion du pouvoir d’achat. Si les salaires réels ont cependant baissé, en raison du décalage du mécanisme d’indexation, cette baisse est toutefois moins prononcée qu’aux Pays-Bas et en Allemagne. «En Allemagne, il existe des accords dans certains secteurs, mais ils n’ont pas d’accords interprofessionnels comme les nôtres. Les petites entreprises qui ne relèvent pas de ces accords sectoriels sont laissées pour compte, explique encore Marie-Hélène Ska. Nous constatons que les travailleurs mènent des actions importantes en Grande-Bretagne et en France. Elles sont systématiquement motivées par les bas salaires face à l’inflation galopante. Les citoyens se sentent abandonnés à leur sort.»
De nombreux pays ont supprimé l’indexation automatique des salaires dans les années 1970, lors de la crise énergétique, lorsque l’inflation était très élevée. Pourquoi la Belgique a-t-elle maintenu l’indexation? «C’est une constante dans notre histoire: nous avons toujours été attentifs à l’indexation et mené campagne autour de l’index. Cette sensibilisation a permis à chacun de prendre conscience de son importance. Le fait que nous ayons continué à défendre l’indexation garantit un calme relatif et une paix sociale, sans grandes actions telles que celles dont nous sommes témoins à l’étranger», déclare Marie-Hélène Ska.
Torsten Müller confirme ce constat. «C’est remarquable, car même dans des pays comme le Danemark, la France, l’Italie et les Pays-Bas, qui ont supprimé l’indexation dans les années 80 et 90, les syndicats étaient puissants. Leurs opposants sont pourtant parvenus à faire supprimer l’indexation. La Belgique a toujours eu une solide tradition autour de l’index, alors que ce n’était pas le cas en Allemagne, par exemple.»
«Il y a bien des tentatives pour adapter le calcul de l’indexation, mais ce système reste le meilleur moyen de lutter contre l’inflation. Quand vous avez de la fièvre, vous utilisez un thermomètre pour déterminer le traitement à prendre. Le mécanisme d’indexation est le seul thermomètre correct dans ce domaine», conclut la secrétaire générale.
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