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L'info n°77/04/23

Perturbateurs endocriniens:

mieux vaut substituer que guérir

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Les perturbateurs endocriniens (PE) sont présents dans un nombre important d’objets et produits domestiques et professionnels. Pourtant, ils sont suspectés d’être à l’origine de nombreux troubles de la santé1.

David Morelli

Près de la moitié des Belges n’a jamais entendu parler des perturbateurs endocriniens!2 Pourtant, ces substances issues de la chimie et de l’industrie sont dans un grand nombre de produits courants: cosmétiques, détergents, tissus, plastique des ordinateurs, peluches, alimentation… Or, les PE ont des effets importants, entre autres sur la santé. En imitant les vraies hormones, ces substances chimiques dérèglent le fonctionnement des cellules. Elles sont ainsi associées à un large éventail d’effets sur la santé: infertilité, perturbations du système immunitaire, cancer des testicules et du sein, maladie d’Alzheimer, etc.

Effet cocktail

Selon l’Organisation mondiale de la santé, plus de 800 produits sont suspectés d’être des PE. Leurs risques pour la santé sont d’autant plus préoccupants qu’ils agissent même à très faible dose, avec des effets sur plusieurs générations. De plus, à l’instar de l’amiante, les effets de l’exposition d’un fœtus ou d’un nourrisson ne se manifestent essentiellement qu’à l’âge adulte. L’effet dit «de cocktail» participe à cette préoccupation: l’interaction de ces petites particules peut perturber l’organisme alors que, isolées, elles pourraient être sans effet.

Un danger pour les travailleurs

Bon nombre de travailleurs sont quotidiennement exposés à des perturbateurs endocriniens à travers la fabrication de produits qui en contiennent, ou via l’utilisation ou le traitement fréquent, long, ou en doses importantes de certaines substances. C’est le cas, entre autres, dans l’agroalimentaire (utilisation d’additifs), l’industrie chimique (fabrication de pesticides, de cosmétiques, de carburants, de plastiques…), la métallurgie/fonderie, l’industrie électronique, l’industrie textile, la coiffure, ou encore le nettoyage (lire interview en p.11). Les voies d’exposition sont multiples: inhalation (fumées, vapeurs), l’ingestion (main à la bouche, défaut d’hygiène) ou le passage cutané (manipulation de substances sans équipement de protection individuelle, blessures).

Prévenir et substituer

Face à cette situation, l’une des revendications principales des syndicats est le développement de l’étiquetage des produits et de fiches de données de sécurité des produits, en y incluant les informations concernant les PE. Les substituer par d’autres substances moins nocives constitue également une piste d’amélioration. Car le plus souvent, les travailleurs ignorent être exposés à de telles substances. Il n’existe actuellement aucun pictogramme permettant d’identifier facilement et rapidement le caractère «PE» d’une substance. «Une substance chimique dangereuse est une substance classée. La présence de PE ne se trouve pas sur l’étiquette des produits, car cette catégorie de danger n’est pas reprise dans le système de classification et d’étiquetage prévu par le règlement Reach3», expliquait Martine Röhl, biochimiste au SPF Santé, à l’occasion d’une formation sur les PE organisée par la cellule RISE4 de la FEC. «Il y a actuellement une réflexion au niveau européen pour inclure cette catégorie de danger dans la fiche de données de sécurité, si la substance est reconnue comme extrêmement préoccupante.» Au niveau législatif, il n’existe pas de réglementation européenne spécifique relative aux PE. La révision de la législation européenne sur les substances chimiques (Reach), qui devait être finalisée en 2022, a été reportée. Elle ne répertorie actuellement qu’une dizaine de substances comme PE.

Belgique: les choses avancent

Depuis juillet 2017, la réglementation sur les agents cancérogènes et mutagènes a été étendue aux substances toxiques pour la reproduction. De cette manière, il est possible de mieux protéger les travailleurs d’une partie des effets des PE quand certaines substances ont également d’autres effets délétères sur la santé. À cet égard, les interlocuteurs sociaux ont remis un avis unanimement positif le 30 mars dernier sur l’inclusion des PE dans la réglementation en matière de bien-être (voir encart).

Enfin, de manière plus globale, un Plan d’action national sur les PE a débuté en août 2022, avec l’objectif d’établir un cadre global permettant de diminuer l’exposition aux PE, et de limiter leurs conséquences sur l’environnement5 et la santé en Belgique.

1. De nombreuses informations de cet article proviennent de la fiche «Perturbateurs endocriniens: un danger pour les travailleurs» disponible sur www.rise.be.
2. Enquête des Mutualités Libres, novembre 2020.
3. Reach est un règlement de l’Union européenne adopté pour mieux protéger la santé humaine et l’environnement contre les risques liés aux substances chimiques. Il réglemente la mise sur le marché des substances chimiques au niveau européen.
4. RISE - Réseau intersyndical de sensibilisation à l’environnement, ndlr.
5. www.health.belgium.be/fr/le-label-ecologique-europeen

Les perturbateurs endoctriniens coûtent
157 milliards €/an à l’Europe

Répartition par maladies (en milliards d’euros)

• Troubles masculins de la reproduction 4
• Morts prématurées 6
• Obésité et diabètes 15
• Troubles neurologiques 132

Sources: Leonardo Trasande, New York University The Journal of clinical Endocrinology and Metabolism

Perturbateurs endocriniens: des sources multiples

Source : Institut national du cancer (France)

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