Anne-Charlotte, 35 ans, travaille depuis plus de dix ans comme ouvrière chez Manufast, une entreprise de travail adapté (ETA) située à Bruxelles. Cette diplômée en communication, atteinte d’un autisme léger, revient sur ses mandats syndicaux, alors que l’ETA traverse un plan social.
Propos recueillis par David Morelli
Je me suis affiliée sur les conseils de ma maman dès que j’ai commencé à travailler. J’ai rapidement senti que les travailleurs les plus faibles avaient besoin d’être défendus. Un collègue m’a poussée à me mettre sur la liste en 2016. J’ai été élue au conseil d’entreprise (CE), et réélue en 2020. Je porte également la casquette de déléguée suite au départ d’un collègue.
On est dans la diversité: tous les secteurs de l’entreprise et tous les handicaps, aussi bien mentaux que physiques, sont représentés dans la délégation. Chacun y est atteint d’un handicap différent, comme les travailleurs des ETA. Par ailleurs, on ne fait quasiment aucune distinction entre ouvriers et employés dans l’entreprise. On tient nos réunions ensemble: c’est un vrai front commun syndical. On privilégie par ailleurs les questions-réponses via des assemblées du personnel, même si la direction est un peu réticente. Mais depuis le plan social (à lire dans L’Info n°8, 2023), il n’y a plus que quatre personnes dans l’équipe syndicale, alors que nous étions une quinzaine avant.
Il y a beaucoup de chômage économique dans certains secteurs actuellement. Il faut être là pour rassurer les gens, pour répondre à leurs questions. Mais pouvoir les aider, voir qu’on est utile, c’est un extraordinaire booster de la confiance en soi.
Il faut adapter le message au récepteur. J’adapte donc la communication en utilisant des mots que même que les plus faibles peuvent comprendre. J’ai parfois des difficultés à communiquer avec les sourds et malentendants, parce que personne ne parle la langue des signes. Alors je parle lentement pour les personnes qui savent lire sur les lèvres, ou bien j’écris. C’est un gros défi, mais finalement, c’est plus mon expérience de terrain que mes études qui me sont utiles pour communiquer.
Il me semble qu’il est beaucoup plus difficile de faire évoluer un ouvrier porteur de handicap au sein de l’entreprise qu’un employé. J’ai l’impression que ces travailleurs bénéficient d’une moindre écoute. Nous avons interpellé la direction sur ce point et restons très vigilants.
Je vais être très crue: parquer des handicapés avec des handicapés, ça ne les fait pas évoluer. Il y a pourtant de fortes chances qu’une personne avec un handicap léger ou physique puisse travailler normalement et être très efficace dans une entreprise «classique», pour autant que le poste de travail soit adapté. Pourtant, même dans le secteur public, les quotas de d’engagement de personnes avec un handicap sont loin d’être atteints… Les patrons ont encore peur. Il faudrait les sensibiliser à la question du handicap.
© David Morelli