Le dossier

L'info n°1722/09/2023

L’inclusion est dans tous les programmes, mais dans les faits, il n’y a rien!

Plus ancienne ETA de Bruxelles, l’Apam1 est active dans le conditionnement, le montage électrique et mécanique, le jardinage, la menuiserie, etc. 140 travailleurs en situation de handicap y travaillent, encadrés par une vingtaine de personnes valides. Rencontre avec Bernard Labé, arrivé à l’Apam suite à un accident de la route, et délégué syndical CSC depuis 23 ans.

Prop. recueillis par V. Pigarella

Quelles sont les difficultés rencontrées aujourd’hui au sein de l’Apam?

Aujourd’hui, tout tourne au ralenti. Il y a moins de commandes, donc plus de chômage économique. À mon arrivée, il y a vingt-cinq ans, je montais sur mon clark à 8h15 pour le quitter à 16h. Je mangeais dedans, car c’était camion sur camion. Aujourd’hui, je n’ai pas encore eu de camion. Hier non plus. Le personnel est là, il attend. Une partie est en chômage technique. Normalement c’est cinq jours par mois maximum, mais on est déjà à neuf jours par mois pour certains.

Qu’est-ce qui explique cette diminution de commandes?

Nos plus gros concurrents, ce sont les prisons. C’est là que part la sous-traitance. Notre secrétaire fédéral a déjà demandé à rencontrer le SPF Justice, mais sans succès. Je pense qu’il faut mieux encadrer les ETA, avec des lois spécifiques, et pas uniquement demander au service public d’engager minimum 3% de moins valides. L’inclusion est dans tous les programmes politiques, mais dans les faits, il n’y a rien. C’est un problème belge.

L’enjeu numéro un, c’est de trouver de nouveaux clients?

À notre époque, oui. Il faut les trouver et les garder. Il y a bien sûr des clients de longue date, mais même avec ces clients-là, on se pose des questions quand on voit que la quantité de palettes diminue. Avant, sur un camion de soixante palettes, on en traitait cinquante. Aujourd’hui, on a entre dix et quinze palettes à traiter. Si, demain, le client étiquette tous ses produits, que deviendront les ETA? Elles ne seront plus nécessaires. On est le dernier maillon de la chaîne.

Les travailleurs ressentent-ils ce malaise?

Oui, la plupart sont conscients de tout ça. Ils (se) posent beaucoup de questions. Je tente de les apaiser, mais à un moment donné, je n’ai plus d’arguments. On est arrivés à une époque où le personnel est habitué à avoir plus de jours de chômage que de jours de travail.

Quel avenir pour l’Apam et les ETA en général?

C’est un long combat permanent pour trouver la clientèle, la garder, et maintenir les personnes au travail. Ce qu’on nous demande est de plus en plus pointu, donc les compétences doivent l’être aussi. Tant que c’est possible, on morcelle le travail pour que chaque travailleur trouve sa place. Ce sont eux, les gens importants, et tant qu’on peut, on continuera à adapter le travail aux travailleurs. 

 1. Apam: Atelier pour l’accès des moins valides au monde du travail, NDLR.