Juste avant les vacances estivales, le gouvernement fédéral et les exécutifs régionaux se sont réunis, pour une conférence interministérielle sur la migration. Quelques avancées importantes sont à souligner pour les travailleurs et travailleuses migrants.
Stefaan Peirsman
Les cas d’exploitation de travailleurs migrants expliquent le besoin d’une meilleure protection.
Presque tous les pays de l’Union européenne sont confrontés à des pénuries sur le marché de l’emploi. Les employeurs se tournent de plus en plus vers des travailleurs potentiels extra-européens. Depuis 2019, il est possible de demander un «permis de travail combiné» pour certains métiers en pénurie de moyenne qualification. Concrètement, le permis de séjour et la carte de travail sont délivrés conjointement au travailleur migrant, à la demande de l’employeur qui introduit la demande.
Mais l’octroi des permis ouvre également la voie à des abus tels que la «fraude aux visas» et à l’exploitation des travailleurs migrants. Le scandale Borealis en a été l’illustration criante (à lire dans L’Info n°15 et n°20, 2022).
La conférence interministérielle a été l’occasion de conclure des accords entre le gouvernement fédéral et les Régions afin de définir des motifs de refus supplémentaires et d’offrir une meilleure protection aux travailleurs migrants via une meilleure information. Ce dernier point est particulièrement important pour la CSC: un travailleur informé est un travailleur protégé!
Mais l’accord ne tient pas compte de la revendication de la CSC d’obliger les travailleurs migrants à suivre dès leur arrivée un cours de «droit du travail» ou un cours d’intégration «light». Toutefois, si des abus sont constatés ou si les migrants économiques se voient retirer leur visa, Actiris, le Forem ou le VDAB les aide pendant 180 jours à chercher un nouvel emploi. L’employeur prend en charge les frais liés à la recherche d’un nouvel emploi, le coût de la migration et les demandes de visa.
Ces étapes vont dans le bon sens mais, à part quelques autres adaptations techniques, l’accord est trop limité pour offrir une protection suffisante. Ainsi, les parties ne se sont pas entendues sur le logement du migrant économique ou le fait de faciliter le changement d’emploi. De plus, le sujet des quelque 150.000 travailleurs sans-papiers de Belgique ne figurait pas à l’ordre du jour de la conférence.
En Belgique, les demandeurs d’asile peuvent travailler quatre mois après avoir fait leur demande. Depuis l’an dernier, l’objectif est de canaliser la recherche d’un emploi au sein des centres d’accueil. Fedasil a créé une cellule d’activation et des accords sont actuellement conclus entre le Forem, Actiris et le VDAB pour accompagner les demandeurs vers un emploi. Si, après un certain temps, les demandeurs d’asile reçoivent l’ordre de quitter le territoire, ils perdent directement leur droit de travailler.
Bien que beaucoup de ces travailleurs migrants pourraient exercer des métiers en pénurie, aucune ouverture n’est faite pour leur accorder un visa temporaire et un permis de travail combiné qui leur permettrait de continuer à travailler à l’issue de leur procédure. Dans ce domaine aussi, le gouvernement souffle le chaud et le froid: il accorde l’accès au marché du travail, mais en même temps, il met des balises qui ne sont pas favorables aux entreprises.
La CSC, qui plaide depuis longtemps pour une réglementation du statut des travailleurs au pair, est particulièrement heureuse que cette réglementation ait enfin pu aboutir. Est considérée comme «au pair» une personne âgée de 18 à 26 ans qui vient habiter dans une famille dans le cadre d’un échange, en contrepartie de légères tâches ménagères. Ces tâches sont rémunérées et leur durée ne peut dépasser 25 heures. Lors de ses contrôles, l’inspection constate chaque année des irrégularités. Par la nouvelle proposition, les gouvernements choisissent de transformer le statut «au pair» en un statut de travail et de l’intégrer dans la commission paritaire du travail domestique. Il s’agit d’une avancée majeure.
À l’avenir, les travailleurs au pair relèveront de la réglementation sur la migration économique, pour laquelle les règles relatives au séjour dépendent du fédéral (celles relatives au travail dépendant des Régions). Une importante réflexion s’impose cependant: vu la libre circulation des personnes et des services, ces dispositions ne s’appliquent pas aux travailleurs au pair européens.
© Shutterstock
À l’avenir, les travailleurs au pair relèveront de la réglementation sur la migration économique.