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L'info n°1920/10/2023

«Agir est une obligation.»

Nom: Luc Triangle

Fonction: secrétaire général CSI

Le belge Luc Triangle, 62 ans, a débuté sa carrière syndicale à la CSC. Il a été élu secrétaire général de la Confédération syndicale internationale (CSI). L’Info l’a rencontré.

Propos recueillis par B. Van Vaerenbergh

Vous étiez le seul candidat au poste de secrétaire général de la CSI. Comment expliquer cette situation?

J’ai été présenté par pratiquement toutes les organisations pour diriger la CSI. En mai, je suis devenu secrétaire général par intérim et, dès le mois de juin, on m’a demandé de rester dans ce rôle. C’est assez unique car, lors de l’élection précédente, une campagne forte et intensive avait opposé deux candidats. La CSI avait besoin de quelqu’un qui bâtisse des ponts, qui sache écouter les grands comme les petits pays et qui puisse ainsi préparer les décisions à prendre au sein de l’organisation.

Était-il important de pouvoir bâtir des ponts, compte tenu des défis qui attendent la CSI?

Oui, les défis sont immenses. Nous vivons dans un contexte géopolitique très difficile. La démocratie aussi est en danger et nous la défendons, nous qui sommes le plus grand mouvement social du monde, avec nos 200 millions de membres dans 167 pays et 340 organisations. Les droits des travailleurs et des syndicats sont également remis en cause. La liberté des travailleurs de s’affilier à un syndicat, le droit à la concertation collective, la liberté d’expression: tous ces droits sont en recul dans le monde. Sans oublier les écarts qui se creusent encore entre les riches et les pauvres, et le changement climatique. Tous ces dossiers sont essentiels et constituent nos principaux défis.

Les droits des travailleurs et des syndicats sont en recul dans le monde.

Vous parlez du changement climatique. N’est-il pas difficile de trouver un équilibre entre climat et industrie?

Il faut agir et lutter contre le réchauffement de la planète. Nous ne sommes pas un mouvement de lutte pour le climat, mais cela ne veut pas dire que ce défi ne nous préoccupe pas. Comme je l’ai constaté quand je travaillais encore pour IndustriAll Europe, le risque est réel que des travailleurs, et même des régions entières, restent à la traîne dans cette transition. En Europe, mais aussi en-dehors. Pour nous, c’est tout l’essentiel de ce débat, mais aussi toute sa difficulté. Nous devons chercher une solution pour les mineurs qui ne pourront plus travailler dans les mines, pour les travailleurs des entreprises automobiles qui doivent désormais construire des moteurs électriques au lieu de moteurs traditionnels. Tous ces travailleurs risquent de perdre leur emploi. Avec une bonne formation, ils retrouveront peut-être un nouvel emploi, mais la formation ne suffit pas. Nous devons créer de nouveaux emplois, y compris dans les régions que la transition climatique met en difficulté. Ces travailleurs ne doivent pas payer le prix de la transition.

Cela ne semble pas évident de trouver une base commune sur ce sujet au niveau international. Est-ce le cas?

En Europe, nous nous trouvons actuellement dans un contexte plus difficile, avec une réglementation déjà plus contraignante. Mais c’est aussi une opportunité pour prendre de l’avance sur le plan de la technologie et de la transition. À un certain moment, nous devrons bien nous y mettre tous ensemble, et mieux vaut être à la source que de devoir acheter la technologie ailleurs.

Des attaques contre les droits syndicaux, nous en vivons aussi dans notre pays, avec la proposition de loi de Van Quickenborne contre laquelle nous avons mené une action. Qu’en pensez-vous?

Partout dans le monde, nous assistons à des attaques contre les droits des syndicats. La Belgique n’est pas un cas isolé. Des situations similaires existent en Grande-Bretagne et en France, par exemple. C’est précisément le droit de grève qui nous a amenés où nous sommes aujourd’hui. Nous ne pourrons jamais accepter la moindre concession à ce sujet. Nous menons ce combat au sein de l’Organisation internationale du Travail mais la lutte que mènent aussi les syndicats et d’autres organisations en Belgique est essentielle. Nous ne pouvons pas accepter la moindre limitation du droit de grève. Notre «Global Rights Index» montre un recul réel des droits syndicaux en Europe (à lire dans L’Info n°15). C’est la première fois que l’Europe est identifiée clairement en tant que continent où les droits régressent.

Si nous regardons la Grande-Bretagne, où les attaques contre les droits des travailleurs et des syndicats sont constantes, on s’y trouve dans la même situation que dans des pays d’Amérique du sud, du Moyen-Orient ou d’Afrique. La situation n’évolue pas dans le bon sens en Europe. Agir contre ces attaques, ce n’est plus un choix, c’est une obligation.

Luc Triangle: bio express

Luc Triangle est né en 1961. Il a travaillé à la CSC entre 1984 et 2011, entre autres pour les jeunes et la CSC-Métal de l’époque.

En 2011, Luc Triangle, qui s’était aussi occupé de l’action internationale au sein de la CSC, se dirige vers la Fédération syndicale européenne du textile, de l’habillement et du cuir, dont il est deviendra secrétaire général. Entre 2012 et 2023, il devient premier secrétaire général adjoint, puis secrétaire général d’IndustriAll Europe.

En mai de cette année, il est devient secrétaire général par intérim de la Confédération syndicale internationale. Il est élu secrétaire général de la CSI en octobre.