Le changement climatique exerce une pression croissante sur l’emploi dans certains secteurs, notamment dans les entreprises qui emploient beaucoup d’eau pour leurs activités. Une bonne gestion de l’eau y est particulièrement importante. Rencontre avec des délégués de diverses entreprises.
Véronique Thirifays (adapt. D.Mo.)
Les eaux usées, une fois traitées, peuvent être réutilisées à des fins écologiques.
Le site d’embouteillage d’eau minérale de Chaudfontaine fait des économies d’énergie et travaille à la réduction de son empreinte écologique.
Pour Chaudfontaine, la durabilité est une priorité. Protéger les sources pour garantir la plus haute qualité d’eau minérale et minimiser la consommation d’eau dans l’usine d’embouteillage est depuis des années au cœur de ses préoccupations. Depuis 2008, 1,8 million d’euros ont été investis pour soutenir 590 mesures visant à protéger la zone d’infiltration de 250 hectares et à la préserver de toute pollution. En collaboration avec le gouvernement wallon et l’Université de Liège, toutes les sources possibles de pollution dans la zone d’infiltration de 250 hectares autour du site ont été identifiées et traitées. Toutes les citernes à mazout appartenant à des riverains (552 au total) ont été protégées ou retirées afin que l’eau ne soit pas polluée en cas de fuite. Tous les cinq ans, l’entreprise réalise une nouvelle évaluation de la vulnérabilité des sources d’eau afin d’en déterminer la durabilité et les risques potentiels pour les communautés locales et l’écosystème.
Cela fait des années que l’entreprise multiplie ses efforts de réduction d’émissions de carbone, en utilisant davantage de sources d’énergies renouvelables. «L’électricité que nous achetons provient de sources 100% renouvelables, mais nous produisons aussi notre propre énergie grâce à nos panneaux solaires, explique le directeur du site de Chaudfontaine, Achmed Boumrah. Nous utilisons moins de machines au gaz ou au diesel dans notre production. Cela a permis à notre site de réduire sa consommation d’énergie par litre de 55%, et sa consommation de carburant de plus de 65% entre 2006 et 2020».
Nous utilisons moins de machines au gaz ou au diesel pour réduire notre consommation d’énergie.
Le site d’embouteillage de Chaudfontaine va continuer sur cette voie de la réduction d’émissions de carbone. Prochainement, les chariots élévateurs et leurs compresseurs fonctionnant aux combustibles fossiles seront remplacés par des modèles plus durables. L’objectif est aussi de limiter les émissions fugitives, et d’analyser les émissions de leurs fournisseurs afin de déterminer ensemble comment les réduire. Chaudfontaine est également passée au plastique 100% recyclé en 2019, à l’exception du bouchon et de l’étiquette, ce qui permet une économie en carbone de plus de 44%.
En termes de concertation sociale, les consommations énergétiques sont présentées à chaque réunion mensuelle du conseil d’entreprise national, du comité pour la prévention et la protection au travail (CPPT), et de la délégation syndicale locale.
Protéger les sources est important pour garantir la qualité de l’eau minérale.
Hesbaye Frost (Geer) est une entreprise du groupe Ardo/Crops qui occupe une position dominante sur le marché mondial des légumes, fruits, pâtes et riz surgelés.
110.000 tonnes de produits sont récoltés, surgelés et emballés chaque année. Tous ces légumes sont cultivés sur plus de 8.000 hectares de terres avoisinantes, puis conditionnés dans l’usine, qui occupe environ 340 personnes. Il faut à peu près sept litres d’eau pour produire un kilo de légumes surgelés: c’est dire l’importance de l’eau dans cette industrie.
Hesbaye Frost a sa propre station d’épuration. Celle-ci a une capacité de 200 m3/heure qui a pour but de limiter au maximum le rejet des eaux usées dans le Geer, la rivière qui borde l’entreprise. Une partie de ces eaux usées est aussi déversée dans une lagune d’une capacité de 110.000 m3 avant d’être utilisée, après décantage, pour l’irrigation des terres voisines. C’est un apport apprécié par les agriculteurs en période de sécheresse.
Une autre partie de ces eaux d’irrigation est stockée dans la réserve naturelle du Haut-Geer, un ancien site sucrier situé à deux kilomètres, racheté par Hesbaye Frost pour ses bassins de décantation et devenu aujourd’hui un haut lieu de biodiversité. Il s’agit d’un bon exemple d’utilisation circulaire de l’eau, car les eaux usées traitées peuvent être réutilisées.
Dans le secteur de la blanchisserie, l’eau est une des ressources les plus importantes. Il est primordial de bien la gérer, pour limiter l’impact sur l’environnement, mais aussi réduire les coûts.
Entra est une entreprise de formation par le travail installée dans un zoning à Heppignies. Elle occupe près de 1.000 travailleurs et comprend plusieurs métiers, parmi lesquels une blanchisserie industrielle. Celle-ci occupe 65 personnes, qui travaillent en pauses de jour et de nuit, cinq jours sur sept. Le travail de qualité fourni entraîne de plus en plus de demandes de services. En 2021, elle a traité 1.600 tonnes de linge (environ un tiers pour les résidents des maisons de repos, et deux tiers en leasing). La consommation moyenne en eau est de 16,8 litres par kilo de linge.
Dans ce contexte hautement énergivore, Entra a décidé de réduire son empreinte carbone et de maîtriser sa consommation d’eau. «La direction prévoit de mettre en place l’analyse des gaz à effet de serre pour 2024 dans le cadre des obligations de reporting de responsabilité sociétale des entreprises. En effet, Entra s’est déjà engagée dans les procédures de la norme internationale ISO140011, et l’entreprise a toujours fait très attention à son image, explique l’équipe syndicale de l’entreprise. Un projet d’investissement important sera d’installer une chaudière au gaz avec récupération de chaleur, une installation d’épuration des eaux usées à l’extérieur, et un nouveau système de recyclage des eaux.»
En 2000, un bâtiment a été construit pour développer l’activité de blanchisserie industrielle. «L’installation ne correspond plus aux normes. La blanchisserie va donc déménager dans un autre bâtiment sur le site d’Heppignies afin de correspondre aux nouvelles exigences environnementales». Avec ces nouvelles installations, Entra espère réduire la quantité d’eau nécessaire pour le lavage.
Au-delà de la consommation d’eau, l’entreprise est également attentive à la diminution de sa consommation énergétique, et donc de son empreinte carbone. En témoignent, entre autres, les quelque 1.700 panneaux photovoltaïques répartis sur deux des trois bâtiments de l’entreprise, qui couvrent une grosse partie de la consommation en électricité.
1. La norme ISO14001 établit les exigences relatives à un système de management environnemental. Elle aide les organismes à améliorer leur performance environnementale grâce à une utilisation plus rationnelle des ressources et à la réduction des déchets.
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