Pression maximale pour
de meilleurs salaires
80.000 personnes ont manifesté pour exiger la révision de la loi de 96.
Quatre-vingt-mille personnes ont manifesté le 20 juin dernier pour clamer haut et fort qu’elles ne s’en sortent plus et pour demander de modifier la loi sur la norme salariale.
David Morelli
Quel est le point commun entre les prix de l’énergie, des courses et du logement et les bénéfices de certaines entreprises? Tous explosent! Mais pendant ce temps, les salaires, eux, restent désespérément bloqués. Résultat des courses: des caddies de moins en moins remplis pour cause de diminution du pouvoir d’achat des travailleuses et des travailleurs. C’est pour dénoncer la loi sur la norme salariale que, durant tout le printemps, des actions régionales (lire précédents numéros de L’Info) ont mis la pression sur le gouvernement.
Le 20 juin dernier, la CSC, la FGTB et la CGSLB l’ont fait grimper au maximum en appelant les travailleurs et travailleuses à venir en nombre pour manifester dans les rues de Bruxelles et exiger la modification de cette loi injuste. Cet appel à l’action a été massivement entendu: quelque 80.000 personnes ont battu le pavé des boulevards de la capitale pour obtenir des salaires équitables et une augmentation de leur pouvoir d’achat.
«On ne veut pas de saut d’index. Pour les jeunes, cela risque de représenter au final une somme énorme. Ils risquent de perdre 27.000 euros contre un chèque de 500 euros. Franchement, je trouve ça ridicule.»
Stéphane, Ceratec
«Quand j’ai commencé en tant que délégué syndical, la norme salariale était indicative. On pouvait aller chercher un peu plus. On sait que la marge pour les prochaines négociations, sera de 0% alors que l’inflation augmente. On doit se rassembler dans le combat syndical pour combattre ce capitalisme à outrance.»
Gaetano, GSK
«Le salaire moyen d’un ouvrier ou d’un fonctionnaire ne suffit pas pour survivre. Ça devient insupportable.»
Lahcen, chauffeur Stib
«20 juin… déjà la faim du mois», «De l’argent pour la guerre mais pas pour nos salaires», «Même le PQ augmente de 11%», «Stop au hold-up sur les salaires», «Début du mois = fin du mois»… les slogans, les pancartes et les actions symboliques ont rythmé la manifestation dans un mélange d’humour et de détresse. Comme cette procession funéraire de caddies portés comme des cercueils, ou ces travailleurs déguisés en patrons distribuant généreusement des cacahuètes aux manifestants (lire interview dans l’app).
Pour tous les participants, le son de cloche est le même: la vie est trop chère. «Quand on va faire les courses, on n’a plus grand-chose dans le caddie avec 100 euros» déclare ce travailleur de la chimie. «Dans les hôpitaux, des travailleurs ne peuvent plus venir travailler car ils viennent en voiture et ils ne peuvent plus faire face à l’augmentation des prix des carburants. Tout le monde n’a pas l’occasion de venir en train, bus ou en métro» explique cette infirmière. «Nous générons les recettes de l’État et le gouvernement doit voir comment nous soutenir» constate ce travailleur de Bpost qui ajoute: le gouvernement, s’il le souhaite, peut faire quelque chose et dégager des moyens en mettant ses priorités. Et les priorités, ce sont les travailleurs.»
À l’entame de la manifestation, un podium surplombé d’un immense écran a accueilli les discours de représentants du front commun syndical.
Marie-Hélène Ska, secrétaire générale de la CSC, a évoqué la question du remboursement des frais de déplacement domicile-travail: «Cessons d’amputer la fiche de paie d’une partie de celle-ci avant-même d’avoir commencé à travailler. Nous disons au gouvernement et aux parlementaires: trouvons des solutions rapides et récurrentes pour rembourser les frais de déplacement domicile-travail.» Elle leur demande également de «faire la transparence sur la facture d’énergie pour tout le monde» et «de ne plus accepter des dividendes exorbitants, qui traduisent une absence de stratégie d’entreprise». Enfin, s’agissant de la loi de 96, elle leur propose de «revoir ensemble une loi qui a montré ses limites, qui nous bloque et qui est profondément injuste.»
S’adressant aux entreprises et à leurs syndicats, elle les appelle à «oser la solidarité au sein et entre les entreprises. Oser la solidarité, cela rapporte gros» et leur rappelle que «ce n’est pas aux travailleuses et aux travailleurs de payer la crise.»
Cette manifestation est une nouvelle étape franchie dans ce combat de longue haleine pour le pouvoir d’achat. Prochaine étape: le 29 juin prochain avec la discussion au parlement sur la loi salariale, rendue possible grâce aux 87.690 citoyens qui ont signé la pétition électronique.
© Michael De Lausnay