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L'info n°0829/04/22

Construction

Pénurie de main-d’œuvre 

dans le secteur 

Nous avons demandé au président de la CSC Bâtiment – Industrie & Énergie (CSCBIE), Patrick Vandenberghe, responsable sectoriel, ce qu’il pensait de la pénurie de main-d’œuvre dans la construction. Il répond à nos questions. 

Quelle est l'ampleur du problème de pénurie de main-d’œuvre dans le secteur?

Indépendamment des fluctuations conjoncturelles, la construction est confrontée depuis plusieurs années à une pénurie de main-d’œuvre. Le secteur éprouve de grosses difficultés pour embaucher de nouveaux travailleurs et a un besoin accru de nouvelles compétences liées à l’évolution technologique et aux innovations. Année après année, le secteur est aussi confronté à une forte rotation du personnel. Les analyses nous montrent qu'environ 13% des ouvriers de la construction quittent le secteur chaque année, notamment pour partir en pension ou pour s’orienter vers d'autres secteurs. C'est souvent la main-d’œuvre expérimentée qui quitte. 

Le secteur, qui emploie actuellement environ 140.000 ouvriers, a besoin d’attirer au moins 18.000 nouveaux travailleurs chaque année. La construction figure au centre de toutes les politiques de relance, tant au niveau régional que fédéral et européen. Le plan de relance du gouvernement fédéral et le Green Deal de la Commission européenne prévoient d’importants investissements dans des projets d’infrastructure, ce qui engendrera une forte croissance dans les prochains mois et un besoin accru de main-d’œuvre. De nos jours, le recours illimité aux travailleurs étrangers est révolu et les problèmes liés aux connaissances linguistiques, aux connaissances professionnelles et à la sécurité entrainent petit à petit un changement de mentalité parmi les entrepreneurs qui préfèrent de plus en plus faire appel à de la main-d’œuvre locale.

Pourquoi choisir de travailler dans le secteur de la construction?

En 2020, une enquête a été menée auprès de 2.000 ouvriers de la construction afin d’identifier les raisons pour lesquelles ils ont choisi de travailler dans le secteur. La raison principale s’avère être le contenu assez varié du travail, mais aussi le fait de pouvoir travailler manuellement, d'apprendre beaucoup et d’avoir une stabilité d’emploi. 

Le secteur de la construction a évolué au rythme de la transition écologique et énergétique et s'est adapté aux évolutions technologies (digitalisation, exosquelettes, lunettes intelligentes et imprimantes 3D, drones, etc.).  Tous les profils sont demandés: manœuvres, maçons, couvreurs, charpentiers, coffreurs, carreleurs, plafonneurs, grutiers mais aussi contre-maîtres, ingénieurs, géomètres, deviseurs, chefs de chantier… Dorénavant, ce sont les domaines de la rénovation énergétique, de la pose de matériaux renouvelables ou des travaux d'infrastructure qui sont surtout porteurs.

Le choix  d’un job dans le secteur de la construction ne se fait pas par manque d'alternatives, mais semble être un choix conscient et positif. Parfois, les ouvriers viennent d'autres secteurs comme l'Horeca, le secteur du métal ou du transport.

Nous constatons également que le secteur de la construction utilise encore souvent les canaux de recrutement 'classiques'. En matière de recrutement, la moitié des offres d'emploi sont remplies via un circuit informel: amis,  famille… le bouche-à-oreille reste donc très important. Cela ne signifie pas pour autant que nous devons nous en satisfaire. Quelques projets innovateurs sont également lancés. Pensons par exemple à l'appli Bildr qui permet aux demandeurs d'emploi et aux entreprises de la construction d'entrer facilement en contact les uns avec les autres. On peut le considérer comme est une sorte de Tinder pour le secteur de la construction. Bien que le circuit de recrutement informel reste un canal important, il est surtout basé et dépendant du 'réseau' personnel.

Pourquoi quitte-t-on le secteur? 

Il y a d'abord et avant tout de nombreux ouvriers qui quittent le secteur de façon naturelle. Ainsi, chaque année, près de deux mille ouvriers partent en pension, et ce nombre continuera à augmenter dans les années à venir. Malheureusement, de nombreux travailleurs décident aussi de quitter le secteur au cours de leur carrière.

Outre les ouvriers qui partent en pension, Le choix de quitter la construction n'est pas nécessairement lié au salaire ou à un travail monotone. Nous constatons que bon nombre de travailleurs qui se tournent vers un autre secteur décident finalement d’y revenir. 40% des travailleurs ont d’ailleurs déjà vécu une telle expérience.

Comment promouvoir l'emploi dans le secteur de la construction? 

Le secteur de la construction doit améliorer son image pour séduire les jeunes. La formation n’est pas le problème. Le plus dur c’est d’attirer des candidats. Constructiv, une organisation créé par les partenaires sociaux du secteur de la construction, a un rôle important à jouer à cet égard. Constructiv vient de lancer une campagne promotionnelle pour redorer l’image du secteur. L'objectif de cette campagne, programmée sur une période qui s’étalera sur 10 ans, consiste à attirer et motiver un maximum de jeunes à se lancer durablement dans la construction. Cette campagne s'adressera d'une part au grand public, mais aussi aux jeunes et aux demandeurs d'emploi qui doivent se familiariser davantage avec le caractère attractif du secteur et ses nombreux métiers. En outre, il est important de bien informer les demandeurs d'emploi pour mieux les orienter vers un emploi et de prévoir un accompagnement sur mesure. Nous avons quelques belles expériences pratiques en la matière, par exemple avec ConstruCity. Les sessions d'information collectives, le contact direct et l'accompagnement fonctionnent réellement. Une collaboration étroite avec l’enseignement et les possibilités de formation en alternance peuvent aider à stimuler l'insertion dans le secteur. Le secteur de la construction aspire donc toujours à attirer les jeunes vers des formations construction. 

Quelles actions le secteur peut-il entreprendre pour fidéliser les travailleurs à long terme? 

Stimuler l’emploi durable est une des ambitions de la construction. Pour réaliser cet objectif, il existe différents moyens. L'emploi tremplin construction constitue un exemple pour stimuler l’emploi durable. Un conseiller est désigné pour accompagner le jeune ouvrier de la construction dans la première phase de son insertion dans l’emploi et pour établir un programme de formation spécifique. La fonction de maître-tuteur existe également et s'oriente non seulement sur les jeunes ouvriers de la construction fraichement engagés, mais aussi sur l'organisation d'une formation interne sur mesure de chaque travailleur dans l'entreprise. 

Il est très important d'investir davantage dans la formation professionnelle. Les ouvriers de la construction peuvent suivre des formations professionnelles avec un soutien axé sur le contenu et un appui financier du secteur. Cela doit leur permettre de continuer à s’épanouir tout au long de leur carrière. Ces opportunités de développement sont importantes pour le travailleur.

En outre, la promotion du bien-être des travailleurs est essentielle. Chaque ouvrier qui quitte le secteur de la construction, pour une raison liée au bien-être ou à la sécurité, est une perte de trop. C’est la raison pour laquelle la CSCBIE continuera à promouvoir la sécurité, à exiger des conditions de salaire et de travail attrayantes, une réduction des temps de déplacement, un travail faisable et une bonne gestion des fins de carrières.

Les partenaires sociaux du secteur de la construction lancent la campagne “Nous construisons demain”. Cette campagne à grande échelle vise à déconstruire les stéréotypes qui entachent l’image du secteur de la construction, à accroître significativement son attractivité et à favoriser le recrutement dans ses nombreux métiers.