Le dialogue social autour de la transition juste reste difficile. La question climatique est pourtant indissociable des questions socioéconomiques.
Carte blanche publiée dans L’Écho du 6 novembre 2023, co-signée par Marie-Hélène Ska, secrétaire générale de la CSC, et Thierry Bodson, président de la FGTB.
À la veille d’une Conférence pour la transition juste en Belgique, en tant que représentants des travailleurs et travailleuses, nous réaffirmons la nécessité d’investir massivement et rapidement dans une transformation de l’économie qui privilégie la durabilité des entreprises sur le plan environnemental, tout en garantissant des emplois de qualité. Articuler les politiques climatiques avec les exigences de la justice sociale dès leur conception, c’est le principe de la juste transition. Nous demandons aussi davantage d’investissements dans les secteurs industriels ainsi que dans les services publics, qui sont indispensables à la cohésion de notre société. Pour financer ces investissements, il convient d’assécher toutes les sources d’évasion fiscale et d’y consacrer les moyens humains nécessaires.
Après une pandémie qui a substantiellement affecté le rapport au travail, après une flambée des prix de l’énergie et des biens alimentaires qui appauvrit encore des familles entières aujourd’hui et avant bien d’autres bouleversements qui impacteront le quotidien de centaines de milliers de travailleuses et de travailleurs, les organisations syndicales sont disposées à agir.
Les bouleversements climatiques s’intensifient partout, conformément aux prévisions des scientifiques. Une majorité grandissante de la population s’inquiète et demande des changements fondamentaux. Mais force est de constater que le dialogue social autour de la transition juste reste difficile. Une partie des représentants patronaux refuse de considérer la question comme un élément de négociation.
Pourtant, dès 2015, les lignes directrices de cette transition étaient adoptées par l’Organisation internationale du travail (OIT), qui, pour rappel, est un organe tripartite (avec représentations des gouvernements, des employeurs et des travailleurs). Ces lignes directrices ont été réaffirmées dans une nouvelle résolution de l’OIT en juin dernier, avec une demande de mise en œuvre rapide. Cette mise en œuvre passe nécessairement par la concertation sociale.
Le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC) reconnaît que la transition juste peut accélérer la transition climatique et même lui donner plus d’ambition. Le bien-être et la réduction des inégalités devraient devenir la boussole de nos économies, à la place de la poursuite aveugle de la croissance du PIB.
Il nous revient de définir les trajectoires (notamment sectorielles) qui permettront aux travailleuses et aux travailleurs de s’inscrire pleinement dans des emplois de qualité et d’avenir.
La transition écologique sera sociale… ou ne sera pas.
Les entreprises doivent se doter d’un plan crédible pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. Les aides publiques qui leur sont octroyées devraient toutes être conditionnées à l’élaboration et à l’exécution de ces plans. Ces plans doivent aussi être concertés avec les représentants syndicaux sur le terrain, dans les conseils d’entreprises, afin de mieux anticiper les impacts de la transition climatique sur l’emploi et la formation.
Les urgences sont multiples et les idées ne manquent pas!
Concernant le logement, la juste transition signifierait entre autres de proposer des préfinancements de travaux afin d’aider les nombreux ménages (plus de la moitié de la population belge) qui n’ont pas les moyens de rénover ni d’isoler leur habitation. Cela supposerait également de passer d’une logique de primes individuelles à une approche collective, par quartiers, en commençant par les plus défavorisés.
En termes de mobilité, nous demandons depuis des années que les transports en commun (SNCB, STIB, TEC, De Lijn) voient leurs moyens renforcés, que le territoire belge soit beaucoup mieux desservi et que les prix diminuent.
Nous souhaitons également nous engager, concrètement, sur base de trajectoires sectorielles dans la réduction des émissions de carbone, dans des conventions collectives renforçant les possibilités de formations. La question climatique est indissociable des questions socio-économiques. La transition écologique sera sociale… ou ne sera pas. Les représentants politiques doivent le comprendre. Les employeurs aussi. Les organisations syndicales sont prêtes au dialogue. Nous le répèterons lors de cette conférence.
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