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L'info n°424/02/23

La législation doit évoluer pour les travailleuses indépendantes à titre complémentaire

De nombreuses travailleuses à temps partiel tentent d’obtenir un complément de revenu en devenant freelance, c’est-à-dire en travaillant comme indépendante à titre complémentaire (ITC). Le point sur ce statut particulièrement précaire avec Martin Willems, responsable national United Freelancers à la CSC.

Propos recueillis par D.Mo.

Le «freelancing» se développe-t-il beaucoup chez les femmes?

C’est un phénomène très féminin. À côté des indépendants traditionnels, on retrouve de plus en plus de femmes qui travaillent en ITC et se retrouvent dans une situation où elles deviennent des «indépendantes dépendantes». C’est très précaire: comme le droit du travail ne s’applique pas à elles, le donneur d’ordre peut leur imposer des conditions de travail très en-deçà des minima valables pour les salariés.

Le travail sur les plateformes en ligne est-il genré?

Très. Si la proportion de femmes est très faible chez les livreurs de repas ou les chauffeurs Uber, elles sont nombreuses à proposer des leçons ou des services à domicile, des soins aux personnes, etc. Leurs situations de travail peuvent s’avérer problématiques. En cas d’attitude déplacée d’un client par exemple, l’employeur n’a aucune responsabilité vis-à-vis d’une travailleuse freelance. Son seul recours, c’est de quitter le client, et donc de perdre le revenu associé.

Ce statut pose aussi question en matière de droits de sécurité sociale…

L’ITC paye des cotisations à l’Inasti, la sécurité sociale des indépendants, mais les seuls droits des freelances sont ceux tirés de leur activité salariée! Prenons un exemple: Jeanne, qui travaille à mi-temps dans la grande distribution et complète son salaire avec une activité comme ITC, dont elle tire en moyenne 500 euros par mois. Elle va payer 20,5% de cotisations sociales sur cette somme, mais n’en tirera aucun droit de sécurité sociale. Sa pension et son allocation en cas d’invalidité ou de maternité seront calculées uniquement sur son mi-temps de salariée. Cette travailleuse aura donc une pension à mi-temps alors qu’elle aura travaillé toute sa vie à temps plein. C’est un scandale.

Le recours aux travailleuses indépendantes permet par ailleurs aux employeurs de contourner le droit social…

Il faut éviter qu’une concurrence se développe entre indépendants et salariés. Face à des salariés qui se battent pour obtenir plus de droits avec leurs syndicats, l’employeur aura intérêt à les remplacer par des indépendants. Il y a de plus en plus d’indépendants à la place de salariés: construction, Horeca, nettoyage, hôpitaux… Il faut lutter contre ce dumping social insidieux. Les travailleuses et travailleurs indépendants méritent d’être défendus comme les autres.

© La CSC