Victoire syndicale chez Grains Noirs
Le front commun entre les travailleurs a joué un rôle important dans cette victoire.
Après neuf jours de grève très tendus, la combativité des équipes syndicales a permis d’arracher la réintégration des huit travailleurs licenciés.
David Morelli
Le traiteur «Grains Noirs» (Molenbeek) emploie une septantaine d’ouvriers pour réaliser la distribution de ses produits dans divers supermarchés. Le 2 février dernier, la direction a annoncé, sans aucun dialogue social préalable, le licenciement de huit travailleurs. Une décision choquante et incompréhensible alors que l’entreprise, qui a instauré un système de chômage économique récurrent, fait appel à l’intérim et demande régulièrement aux travailleurs de faire des heures supplémentaires. «Il y a un problème d’équation, constate Aziz El Haiani, permanent CSC Alimentation & Services (CSC A&S). Il n’est pas possible de décider d’un licenciement massif avec, en même temps, des gens qui travaillent en intérim».
Les travailleurs se sont mis en grève en front commun CSC/FGTB au lendemain de l’annonce du licenciement arbitraire de leurs collègues. Durant neuf jours, ils se sont relayés pour assurer, 24h/24, le maintien d’un piquet de grève empêchant les livraisons aux clients. Un piquet secoué par un incident grave la nuit du 9 au 10 février. «L’employeur est venu sur le site avec une entreprise externe pour tenter de sortir la marchandise, relate Aziz El Haiani. Un délégué a été blessé lors d’une altercation suite à ce passage en force. Un délégué a contacté la police pour leur demander d’intervenir. Sept (!) patrouilles sont arrivées sur place… et ont pris fait et cause pour l’employeur, violant ainsi le droit de grève. Ils ont déclaré aux travailleurs “Si vous n’êtes pas contents, allez voir un autre employeur”. Ces propos sont inadmissibles. Une plainte a été déposée auprès du chef de corps de la police de Molenbeek.»
Cette grève a permis de revenir à de la concertation sociale.
La détermination des grévistes est néanmoins restée intacte et, trois jours plus tard, la direction a repris contact avec la délégation. Après deux réunions et de longues négociations, la direction a fini par céder. Les syndicats sont restés fermes sur l’exigence de la réintégration des huit travailleurs avant toute discussion autour de modalités éventuelles de licenciement, prioritairement sur base volontaire. «Le front commun extraordinaire entre les travailleurs a joué un rôle important dans cette victoire. De nombreuses marques concrètes de solidarité ont été apportées durant cette grève: aide logistique des familles et voisins, visites de délégués d’autres entreprises du secteur… Le relais de la grève dans la presse et les médias sociaux, ainsi que les diverses interpellations, entre autres auprès du conseil communal, ont sans doute également joué dans l’issue favorable du conflit. Des plaintes ont néanmoins été introduites auprès de l’inspection sociale et d’Unia1, les critères de licenciement étant extrêmement flous».
Des réunions ont été programmées pour discuter des problèmes au niveau de l’entreprise et des éventuels licenciements, sous réserve de critères objectifs acceptés par la délégation syndicale. «Cette grève a permis de revenir à de la concertation sociale. L’employeur sait désormais de quoi les travailleurs sont capables…», conclut le délégué CSC A&S. Les travailleurs sont retournés travailler la tête haute. Ils ressortent plus forts et plus soudés de cette victoire.
1. Le centre interfédéral pour l’égalité des chances, NDLR.
© CSC A&S