À l’occasion du congrès du Comité régional bruxellois (CRB) du 29 septembre prochain, Paul Palsterman, secrétaire régional bruxellois, passera le gouvernail à son successeur. Bilan des sept années passées à la barre de l’instance de référence de la CSC pour les matières régionales bruxelloises.
Propos recueillis par David Morelli
Paul Palsterman passera le flambeau ce 29 septembre.
J’ai adoré pouvoir consacrer à Bruxelles les dernières années de ma vie professionnelle. On y retrouve toutes les questions qu’on s’est employé à évacuer du niveau belge, comme les relations entre francophones et néerlandophones, et toute une série de réalités qu’ailleurs on fait semblant de ne pas voir, comme les étrangers sans papiers. Et j’ai trouvé, entre autres à la CSC, des gens motivés et enthousiastes pour faire avancer les choses.
La principale spécificité de la Région est son statut bilingue, qui est à l’origine d’une très grande complexité institutionnelle. Nous avons essayé d’acquérir la connaissance la plus exacte possible du «millefeuille» bruxellois. Par exemple, Brupartners, le conseil économique et social, a rendu plusieurs avis en matière de santé, où cette complexité est particulièrement grande. Cette connaissance est indispensable pour pouvoir conseiller les organisations constitutives de la CSC, leurs militants et leurs affiliés, sur l’instance à interpeller et la stratégie à mener.
Nous avons aussi réuni pas mal de documentation pour, le moment venu, prendre position en connaissance de cause sur une éventuelle septième réforme de l’État. Je ne crois pas que c’est de nous qu’on attend l’idée géniale qui permettrait de sortir complètement de la complexité actuelle. Il nous appartient de favoriser, dans la mesure du possible, la collaboration entre institutions et de lancer des alertes si une institution n’est pas en mesure d’assumer ses missions. Dans les années qui viennent, il faudra par exemple surveiller de près le financement de la Commission communautaire commune (Cocom), responsable des allocations familiales et de plusieurs secteurs importants de la santé.
Le syndicalisme
urbain signifie
concilier au mieux
les différentes fonctions de la ville.
Bruxelles est en effet une région urbaine. Beaucoup de questions se posent de la même façon dans les grandes villes wallonnes ou flamandes, mais on en parle moins, parce que leur réalité n’est pas isolée de la moyenne régionale.
Le syndicalisme urbain signifie que nous cherchons à concilier au mieux les différentes fonctions de la ville, à la fois lieu d’habitation, lieu de production économique, centre de culture et d’enseignement, destination touristique, etc.
Il existe une tendance, à Bruxelles, à ne plus considérer que le point de vue des habitants, à voir par exemple les navetteurs comme des intrus sources de problèmes et de nuisances. C’est peut-être une réponse aux décennies où Bruxelles a été malmenée sur le plan urbanistique. Mais il faut sortir de cette opposition. Un environnement urbain plaisant est aussi un atout pour attirer les investissements.
Bruxelles est le principal pôle économique belge, mais on y voit les conséquences de l’aménagement du territoire belge où les classes moyennes et riches vivent en banlieue, et les classes pauvres en ville. La résultante est qu’un indicateur comme le PIB par habitant n’a pas beaucoup de signification ici. Le chômage, à Bruxelles, ne vient pas d’un manque d’emplois, mais du fait que beaucoup d’emplois – en fait les plus intéressants! – ne sont pas attribués aux Bruxellois. Il y a des efforts de formation à faire, il faut lutter contre les discriminations, et il ne faut pas raisonner comme si les 19 communes étaient le seul horizon d’emploi pour les Bruxellois. Pour quelqu’un qui habite Schaerbeek ou Evere, aller travailler à l’aéroport de Zaventem est plus commode que d’aller dans la zone industrielle de Forest ou d’Anderlecht.
Indiscutablement l’implémentation de la 6e réforme de l’État, ce qui a été aussi le plus passionnant. La gestion du Covid également, qui n’a été ni facile ni agréable. Par exemple, il a fallu concevoir en urgence des mesures d’aide à des secteurs qui n’étaient pas habitués à la concertation paritaire, je pense notamment à l’Horeca. Cette expérience me fait d’ailleurs dire qu’un des enjeux internes majeurs concerne la prise en compte de la dimension sectorielle dans la politique régionale… et de la dimension régionale dans les secteurs, y compris nos propres centrales.
La mise en place d’une procédure de concertation de “priorité partagée” est une avancée majeure.
L’avancée majeure a été, au début de la législature précédente, la mise en place d’une procédure de concertation dite «de priorité partagée» entre le gouvernement et les interlocuteurs sociaux. Cette procédure a eu des hauts et des bas, mais je la juge globalement très positive, spécialement dans les matières qui intéressent le plus les travailleurs, comme l’emploi.
Une autre avancée intéressante, sur laquelle la CSC a assez bien investi, est l’extension des compétences du conseil économique et social à l’ensemble des matières communautaires, notamment les matières sociales.
Le prochain congrès n’est pas saisi, à proprement parler, de nouvelles lignes de force. Celles qui ont été définies en 2013 et 2017 ont été jugées suffisantes. On peut dire que les résolutions proposées tiennent plus de résolutions d’activité. Notre espoir est d’impliquer encore davantage les militants dans nos travaux, et particulièrement les centrales professionnelles.
Bruxelles est le principal pôle économique belge.
Il devra apprécier si la dynamique de concertation mise en place répond aux attentes. Car, bien entendu, la concertation est un moyen pas une fin en soi. Et il y a le fonctionnement des institutions, leur éventuelle réforme, et surtout leur financement, en particulier celui de la Cocom. Il y en a évidemment beaucoup d’autres. Les congressistes auront dans leur farde un rapport d’activité assez conséquent, qui fait un point assez détaillé sur les nombreux dossiers dont on s’est occupé. Ce rapport n’a d’ailleurs pas été conçu pour pousser des cocoricos toutes les dix lignes, mais pour persuader les lecteurs – en particulier celles et ceux qui veulent investir les instances du CRB – qu’on s’occupe vraiment de choses importantes et intéressantes!
© Aude Vanlathem, © Patrick Lefevre/Belpress.com