Le dossier icon

Le dossier

L'info n°1623/09/22

Borealis, deux mois après
le choc «Nous voulons améliorer la transparence»


Geertje Troch, permanente CSCBIE.

Il n’y a pas que le secteur des transports qui soit durement touché par le dumping social. Retour sur le dossier Borealis (lire L’Info n°15).

Propos recueillis par Bram Van Vaerenbergh

En juillet dernier, la presse révélait que l’entrepreneur franco-italien IREM-Ponticelli a eu recours à un grand nombre d’ouvriers étrangers sans permis de séjour ni permis de travail valables pour construire une usine chimique Borealis, au port d’Anvers. Cent septante-quatre victimes potentielles de ce trafic d’êtres humains se sont manifestées. Le chantier est toujours à l’arrêt et rien ne permet de dire quand il pourra redémarrer. «Il n’a pas été facile de rassembler des informations. Nos délégués se tournent à présent vers l’avenir pour enrayer ces pratiques», déclare Geertje Troch, permanente de la CSCBIE qui suit l’entreprise.

Pouvez-vous nous rappeler brièvement ce qui s’est passé?

Geertje Troch: L’entreprise Borealis – dont le siège se situe à Vienne – cherchait un terrain pour construire une nouvelle usine. Il y avait un espace disponible à côté du site qu’elle possédait déjà à Kallo (Beveren). Nous avons alors entamé une concertation avec les militants et la direction, mais uniquement sur les conditions de travail dans la nouvelle usine, étant donné qu’il y avait une réelle opportunité pour les collaborateurs d’être mutés d’un site à l’autre. La construction proprement dite n’a jamais fait l’objet de discussions avec nos délégués. Le site était hermétiquement fermé, comme les autres chantiers de construction. Dès que l’information concernant les ouvriers étrangers a été diffusée, nous avons su qu’il y avait eu une inspection. Mais lorsque nous avons demandé sur quoi portait l’inspection sociale, nous n’avons jamais reçu de réponse.

Comment a réagi la direction de Borealis à Kallo?

Lorsque l’affaire a éclaté, nos militants ont immédiatement convoqué un conseil d’entreprise extraordinaire en urgence. La direction belge l’a accepté, même s’il n’était pas simple d’obtenir des informations. Elle s’est vu dicter par sa société-mère ce qui pouvait ou non être dit, compte tenu des conséquences juridiques.

174

victimes potentielles de ce trafic d’êtres humains se sont manifestées.

En attendant, le chantier est-il toujours à l’arrêt?

Oui, rien n’a bougé depuis juillet. Le délai de construction de l’usine était déjà extrêmement court et il sera encore plus difficile à respecter. Les permis d’environnement risquent d’expirer. Ils devront donc faire l’objet d’une nouvelle demande.

Quelles actions souhaitez-vous entreprendre pour empêcher que cette situation se reproduise?

Soyons honnêtes, ce n’est pas le problème de Borealis, mais celui de l’ensemble du secteur de la construction. Il faut engager la responsabilité du donneur d’ordre et contrôler les déclarations Limosa1 et Dimona2. Si le donneur d’ordre néglige ensuite quelque chose, sa responsabilité est engagée. Mais comme nous l’avons dit, c’est un problème européen.

Que fait Borealis à présent?

L’entreprise contrôle minutieusement tous les entrepreneurs et sous-traitants. Certains ont déjà reçu le feu vert. Jusqu’ici, les travailleurs sont également informés de la situation. Nos militants entendent maintenant œuvrer pour plus de transparence et veulent créer un point de signalement anonyme pour les ouvriers sur le nouveau site. Ce système a déjà été instauré sur le site existant, mais nous cherchons la meilleure façon de le mettre en place. Nous devons nous assurer que ces personnes savent que ce système existe et comment l’utiliser. Les signalements doivent également être relayés directement à la délégation syndicale, plutôt qu’à l’employeur.

Ne faudrait-il pas examiner cette problématique à un niveau plus élevé?

Dans l’intervalle, nous avons soulevé cette question en commission paritaire. Nous avons demandé à la fédération des employeurs de fixer un cadre de base pour l’avenir, d’autant plus que d’autres usines chimiques sont en préparation, comme Ineos au port d’Anvers. Notre suggestion a été accueillie tièdement. Ils estiment que ces mesures ne sont pas nécessaires au niveau général.


1. Ndlr: reprend des informations sur le travailleur, l’employeur, le lieu de travail, etc.
2. Ndlr: message électronique envoyé à l’ONSS pour déclarer l’entrée en service d’un travailleur et sa sortie.

BOREALIS

L'entreprise chimique Borealis, dont le siège est à Vienne, possède trois sites de production en Belgique - à Kallo, Zwijndrecht et Beringen - ainsi qu'un centre de services partagés à Malines. Elle emploie au total quelque 1.200 personnes en Belgique. Au niveau mondial, la multinationale emploie environ 6.900 personnes. En 2021, Borealis a réalisé un chiffre d'affaires de 12,342 milliards d'euros dans le monde entier et enregistré un bénéfice net de 1.396 millions d'euros. À Kallo, Borealis produit du polypropylène. La construction d'une usine de déshydrogénation du propane y a commencé en 2019.

© James Arthur