«Soyons vigilants pour les droits des femmes!»
Pia Stalpaert, première femme à accéder à la présidence de la CSC Alimentation & Services (A&S), cède le relais après treize ans à ce poste. Elle revient sur une cause largement défendue durant son mandat: celle des femmes travaillant dans des conditions précaires.
Propos recueillis par Simon Bellens
J’ai pu voir le monde masculin du syndicalisme se transformer et devenir beaucoup plus inclusif. À mesure que nos structures se féminisaient, nous avons vu émerger davantage de secteurs où l’emploi des femmes prenait une part significative. Ainsi, les luttes sociales se féminisent.
Dans le secteur des titres-services, 97% des travailleurs sont des femmes, qui se trouvent souvent dans une position économique et sociale vulnérable. Ces dernières années, nous avons mené quantité d’actions et de grèves pour un salaire juste et pour que les aide-ménagères aient droit à des conditions de travail correctes. Je suis convaincue que la présence plus massive des femmes parmi les militants et dans des fonctions dirigeantes, tant dans le monde syndical que politique, rend la politique plus inclusive.
La convention sur les travailleuses et travailleurs domestiques et le travail décent, que nous avons conclue en 2011 à l’Organisation internationale du travail (OIT), fut sans doute le point d’orgue de ma carrière. Elle a un impact pour des millions de citoyens dans le monde. Auparavant, les travailleurs domestiques n’étaient même pas considérés comme des travailleurs. Négocier sur ces sujets incite à l’humilité, mais c’est un travail fantastique. Nous avons ainsi pu développer une action internationale, avec par exemple Sœur Jeanne Devos et l’IDWF (le syndicat mondial des travailleurs domestiques, NDLR).
La reine Mathilde nous a même reçus au Palais royal avec une délégation de représentants venus de quatre continents. Je sais qu’elle est très attachée au sort des travailleurs domestiques. Pourtant, le combat reste difficile. Ce genre de convention internationale n’a de sens que si les pays transposent ces dispositions dans leur législation nationale, comme le droit au salaire et le droit à l’affiliation syndicale. Beaucoup de pays ne reconnaissent pas ces droits. Plus les gouvernements se droitisent, plus ils se désintéressent de ces matières.
Je crains la montée de l’extrême droite. En Europe, mais aussi en Inde ou en Amérique du Nord et du Sud, les responsables autoritaires et d’extrême droite gagnent du terrain. De ce fait, les droits des femmes reculent. Aux États-Unis, de nombreux États ont remis en cause le droit à l’avortement. Les partis d’extrême droite sont encore très sensibles à l’idée de «la femme au foyer». Ce genre d’idéal revient à la mode. Les syndicats doivent s’y opposer, encore plus que nous ne le faisons aujourd’hui.
J’ai l’impression que les jeunes femmes, en particulier, n’ont pas suffisamment conscience du combat mené par les générations précédentes pour la place des femmes dans la société. Mais les droits acquis peuvent être remis en cause. Nous devons veiller à ne pas perdre de terrain. Sans vouloir être pessimiste, je lance quand même un appel: soyons vigilants!
© CSC A&S
La présence des femmes parmi les militants et dans des fonctions dirigeantes rend la politique plus inclusive.