Les nouvelles règles budgétaires européennes doivent permettre des investissements et une politique sociale.
Renaat Hanssens (Adapt. D.Mo.)
Lors du déclenchement de la pandémie de Covid-19, la Commission européenne avait immédiatement compris que la rigueur des règles budgétaires existantes ne permettrait pas de combattre la crise. Leur application avait dès lors été suspendue, et la Commission avait alors jugé qu’une remise en cause radicale était nécessaire. Après de larges consultations, une proposition comportant à première vue plusieurs améliorations a été lancée fin novembre 2022.
Cette proposition mettait fin à la règle absurde selon laquelle un État membre devait réduire chaque année d’un vingtième la partie de sa dette qui dépasse 60% du PIB. Cette règle, qui contraignait les États membres confrontés à une dette publique très élevée de mener une politique d’austérité intenable, a beaucoup nuit à la croissance économique dans ces pays. À l’origine, les nouvelles règles proposées demandaient seulement aux États membres dont la dette publique dépasse 60% du PIB de ramener celle-ci à une trajectoire en diminution, après une période d’adaptation de quatre ou sept ans. Malheureusement, sous la pression des «durs», de nouvelles règles plus strictes ont été ajoutées. Celles-ci rendent le projet actuellement sur la table imbuvable, comme le montre le calcul du Bureau du Plan: selon la durée de la période d’adaptation, notre pays devrait réaliser un effort de 4% (24 milliards) ou 4,8% (28,8 milliards) du PIB. Il s’agirait donc d’un assainissement continu de 1% (quasiment 6 milliards par an) ou 0,7% du PIB (plus de 4 milliards par an) pendant quatre ou sept années consécutives, pour arriver à un déficit de -0.8%. Bien plus dur, donc, que la règle de base pour le déficit (-3% du PIB).
Sous la pression des «durs», de nouvelles règles plus strictes ont été ajoutées. Celles-ci rendent le projet actuellement sur la table imbuvable…
La proposition de la Commission présente d’autres défauts: elle n’a pas abrogé la règle des 60% pour la dette publique. À une époque où il faut travailler d’arrache-pied pour assurer la neutralité carbone de l’économie, ce choix n’est pas intelligent. De plus, les dépenses pour de nouveaux investissements doivent être intégrées complètement dans le déficit public, au lieu de prévoir qu’elles puissent être amorties pendant une longue période. Enfin, la méthode de calcul de la dette risque de conduire à un excès de prudence budgétaire réservée, qui risque de saper le développement économique et les marges pour des investissements.
La Confédération européenne des syndicats (CES) craint que les négociations entre le Conseil des ministres de l’Économie et des Finances et le Parlement européen ne débouchent pas sur une proposition acceptable, les «durs» au sein de ces organes tentant systématiquement de faire annuler certains assouplissements proposés.
En tant que syndicat, la CSC est convaincue de la nécessité de réduire les déficits budgétaires afin que la dette reste gérable. Mais étouffer l’économie par une politique d’austérité extrêmement stricte n’est pas la bonne méthode. Les nouvelles règles doivent laisser une marge budgétaire pour les investissements indispensables dans la transition. Cette marge ne peut provenir des économies dans les services publics ou la politique sociale. La CSC espère pouvoir convaincre le monde politique belge de la nécessité de revoir en profondeur les projets de nouvelles règles budgétaires. La manifestation syndicale du 12 décembre espère y contribuer.
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Les règles budgétaires européennes ont été instaurées en 1992, lors de la création de l’Union monétaire européenne. Elles imposent un plafond de respectivement 3% du Produit intérieur brut (PIB) pour le déficit budgétaire et 60% du PIB pour la dette publique. La conclusion du Pacte de stabilité et de croissance en 1997 a ajouté progressivement des règles plus strictes et complexes.