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L'info n°2322/12/2023

Malades de longue durée: de nouveaux chiffres

Tant que l’on ne s’attaquera pas au travail qui rend malade, une politique de réintégration individuelle sera une mesure peu efficace.

Un an après la réforme des trajectoires de réintégration des malades de longue durée, Co-prev, la fédération des services de prévention, a publié des statistiques concernant ces trajectoires. Ces chiffres permettent enfin de se faire une idée précise de la réintégration. Ils soulignent que tant que les entreprises ne s’attaqueront pas au travail qui rend malade, la politique de réintégration individuelle sera une mesure peu efficace.

La machine à licencier

Le nombre de trajectoires de réintégration a fortement chuté. On en dénombre 2.000 par trimestre après la réforme, contre 10.000 avant celle-ci. Dans le même temps, le nombre de procédures visant à mettre fin au contrat pour cause de force majeure médicale – donc un licenciement sans préavis – est, lui, en augmentation: on en compte 6.000 par trimestre.

Ceci prouve qu’un des objectifs majeurs de la réforme a été atteint: lutter contre le recours abusif aux trajectoires de réintégration. La procédure de réintégration existante a souvent été entamée à tort, comme la CSC n’a cessé de le dire depuis 2016 – et comme l’a confirmé la Cour des comptes en 2021 dans un rapport dévastateur. Le but poursuivi n’était pas de réintégrer le travailleur malade, mais bien de mettre fin à son contrat de travail pour cause de force majeure médicale. C’est ce qu’on appelle «la machine à licencier».

Pour lutter contre ce problème, la réforme intervenue l’an dernier a fait une distinction entre la procédure en vue d’une trajectoire de réintégration et la procédure destinée à mettre fin à un contrat pour cause de force majeure médicale (à lire dans L’Info n°13). L’énorme glissement du nombre de trajectoires de réintégration vers la rupture de contrat pour cause de force majeure médicale confirme une fois encore que cet usage abusif constituait un énorme problème.

La forte augmentation du nombre de ruptures de contrat pour cause de force majeure médicale est cependant très inquiétante et conduit à s’interroger sur la qualité du travail, l’efficacité de la politique de prévention, et les efforts et possibilités réelles d’aboutir à la réintégration. Puisque l’employeur ne doit payer aucune indemnité de licenciement en cas de rupture de contrat, et puisque dans la pratique, il ne doit fournir aucun effort supplémentaire pour aboutir à la réintégration du travailleur malade, un recours plus qu’occasionnel à cette procédure est inquiétant.

Combattre les risques sanitaires

Globalement, une des principales conclusions de la Cour des comptes reste valable, même après la réforme: le nombre de trajectoires de réintégration formelles réussies est insuffisant, vu le nombre actuel de malades de longue durée. Les chiffres démontrent clairement qu’une politique uniquement axée sur la réintégration du travailleur ne permet pas de résoudre le défi de la maladie de longue durée. Tant que les entreprises ne s’attaqueront pas aux causes professionnelles de l’absentéisme pour cause de maladie, la politique de réintégration individuelle sera une mesure trop peu efficace. Pour traiter ces causes professionnelles, il faut avant tout combattre les risques sanitaires tels que la charge de travail et le portage de charges lourdes et les actes répétitifs.

 

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Le nombre de trajectoires
de réintégration
réussies
est insuffisant.