La loi du 4 août 1996, relative au bien-être des travailleurs lors de l’exécution de leur travail, fêtait l’année dernière ses 25 ans. Cette loi a consacré une réforme et une amélioration radicales de la législation en matière de sécurité et de santé au travail. L’utilisation d’analyses des risques a été un des éléments-clés de la réforme, de nouveaux risques ont été admis et reconnus. S’il convient de se réjouir de ces avancées, nous ne sommes pas au bout de nos peines.
Stijn Gryp & Kris Van Eyck
La loi sur le bien-être n’est pas le fruit du hasard. Jusqu’en 1996, les textes de lois en vigueur reprenaient toutes les dispositions que les entreprises devaient respecter pour protéger la sécurité et la santé des travailleurs. Ces règles n’étaient pas toujours adaptées à toutes les situations. Dans les années 1990, plusieurs directives européennes ont été adoptées. Elles s’inspiraient d’une approche différente: sur la base d’une analyse des risques, les entreprises doivent déterminer elles-mêmes comment éliminer les risques. Et ce, toujours dans le cadre d’un ensemble de dispositions légales et selon une stratégie de prévention claire: éviter les risques et les combattre à la source, en optant de préférence pour des mesures de protection collectives, adapter le travail à l’être humain, prévoir des instructions et des formations, etc. Cela a été l’occasion d’une refonte radicale de notre législation. La loi sur le bien-être et le code sur le bien-être au travail, qui rassemble les arrêtés d’exécution de la loi, ont constitué le nouveau cadre légal. Le plan global de prévention et le plan d’action annuel en découlent. La loi sur le bien-être et le code régissent par ailleurs l’élection, le fonctionnement et les compétences du CPPT.
La réglementation sur le bien-être a évolué: on s’est rendu compte qu’une approche adéquate des risques, parfois complexes, nécessite l’intervention d’experts issus de différentes disciplines. Outre les experts «sécurité du travail» et «médecine du travail», des experts dûment formés ont été désignés pour les domaines «ergonomie», «risques psychosociaux» et «hygiène industrielle». Ainsi, des conseillers en prévention ont été nommés pour cinq disciplines auxquelles les entreprises peuvent (ou, parfois, doivent) faire appel par le biais de leurs services internes ou externes de prévention et de protection au travail. Cette multidisciplinarité est un des acquis importants de la loi sur le bien-être.
L’introduction de la notion de «bien-être au travail» a permis d’envisager de façon plus globale les problèmes auxquels les travailleurs sont confrontés au quotidien. La sécurité, la santé, l’ergonomie, les risques psychosociaux, l’hygiène industrielle, l’embellissement et l’environnement sont les sept domaines sur lesquels il faut travailler. L’un de ceux-ci, les risques psychosociaux, est devenu un nouveau point d’attention majeur. Dans ce cadre, il est question du stress, du burn-out, mais aussi de la violence et du harcèlement moral et sexuel. Tous ces éléments peuvent lourdement impacter le bien-être des travailleurs, tant sur leur lieu de travail que dans leur vie privée. La loi sur le bien-être et le code sur le bien-être au travail consacrent pour la première fois toute une série d’obligations destinées à combattre ces risques dans l’entreprise, tant individuellement que collectivement. Les victimes de violences et de harcèlement moral et sexuel sont désormais aussi protégées contre le licenciement lorsqu’elles entament une procédure pour dénoncer ces faits.
Depuis 1996, la loi sur le bien-être n’a, bien entendu, pas résolu tous les problèmes:
170.000 malades de longue durée souffrent de troubles psychologiques
Quelle que soit la qualité de la législation, son application dans l’entreprise constitue la clé du succès. Or, c’est souvent là que le bât blesse. Les contrôles et les amendes pourraient constituer une solution, mais ils requièrent un nombre suffisant d’inspecteurs du travail et un bon mécanisme de sanction. Aujourd’hui, ni l’un ni l’autre ne sont satisfaisants. Malgré les promesses du monde politique, l’inspection du bien-être ne dispose actuellement que de 77 inspecteurs équivalents temps plein pour contrôler réellement le lieu de travail, soit un inspecteur pour 52.252 employés et pour 3.825 sites d’entreprise. La CSC a calculé que, malgré tout le bon travail qu’ils accomplissent, ces inspecteurs ne pourront visiter en moyenne le même site d’entreprise qu’une fois tous les 43 ans. Et les inspecteurs constatent des violations de la réglementation sur le bien-être lors d’au moins la moitié de leurs visites.
Les troubles musculo-squelettiques sont la deuxième cause des maladies de longue durée.
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