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L'info n°622/03/2024

AGRICULTURE

Paradoxes et politiques agricoles

Les actions menées récemment par les agriculteurs révèlent une colère profonde. Mais quelles en sont les raisons? Sont-elles bien comprises?

A. Forrest, Rés. inter. sensib. environ.


Les agriculteurs ont manifesté leur colère dans les rues de Bruxelles.

À plusieurs reprises durant le mois de février, des défilés de tracteurs ont circulé dans la capitale. Tout le monde comprend ce qui pousse les agriculteurs et agricultrices à manifester. Pourtant, pour beaucoup, il y a un «mais», un «Oui, on comprend leur colère, mais tout de même…».
Quelles sont les raisons exactes de leur colère? La comprenons-nous réellement? Connaissons-nous les conditions dans lesquelles ceux et celles qui travaillent d’arrache-pied pour nous permettre d’avoir dans nos assiettes de bons produits doivent exercer leur métier? La Fédération unie de groupements d’éleveurs et d’agriculteurs (Fugea), mouvement agricole belge, a résumé les raisons de cette colère.

Incohérences et coûts

Ultra complexité, paperasserie incessante, règles changeantes, contrôles excessifs: la charge administrative des représenterait aujourd’hui un à deux jours de travail par semaine. Autant de jours à remplir des feuilles de papier, à ce prix-là, on espère au moins un roman à la fin du mois. Bien sûr, cette tâche est nécessaire, elle permet une plus grande transparence et une traçabilité sur ce qui est fait. Mais il semblerait que le temps passé à fournir ces justificatifs soit démesuré. D’autant que la majorité des agriculteurs n’ont pas le luxe de pouvoir engager du personnel pour les aider dans cette tâche.

Autre argument: l’augmentation des coûts de production. Le prix de l’énergie s’enflamme, comme celui des engrais ou de l’alimentation animale, mettant en péril la rentabilité des exploitations. À cela s’ajoute le fait que les prix de rachat des produits agricoles, eux, n’augmentent pas d’un iota. Donc, moins de revenus, plus de charges à couvrir, et moins de confort de vie. Cette situation est d’autant plus inacceptable qu’elle contraste avec les énormes profits réalisés par l’agro-industrie et la grande distribution. La Fugea revendique la mise en place d’un système de prix juste et rémunérateur, qui permette aux agriculteurs de vivre de leur travail, et d’une meilleure répartition des marges dans la filière agroalimentaire.

La Politique agricole commune (Pac) est, quant à elle, incohérente. D’un côté, elle encourage des pratiques durables et respectueuses de l’environnement, sans pour autant fournir les moyens financiers suffisants pour opérer une transition. D’un autre côté, elle incite à maximiser la production pour répondre aux exigences du marché, et négocie des accords de libre-échange avec des pays qui ne respectent pas ces mêmes normes. Cela ouvre la porte à des importations massives de produits alimentaires qui ne répondront pas aux mêmes normes environnementales et sociales que celles imposées aux agriculteurs européens. Cette situation met en danger les emplois des agriculteurs, leurs revenus, et bafoue les principes de protection des consommateurs et de l’environnement. Aujourd’hui, les organisations agricoles exigent l’arrêt définitif de ces négociations commerciales.

Vision d’avenir

N’importe quel changement, n’importe quelle transition est difficile à mettre en place. Une vision sur le long terme est nécessaire, de même que des formations aux nouvelles techniques, des financements conséquents pour développer de nouveaux modes de production, des politiques agricoles cohérentes, etc. Faire changer les pratiques agricoles ne peut se faire simplement en créant de nouvelles règles. Cela impose de repenser la formation des agriculteurs et des agronomes.

Il est temps de dépasser les discours stériles et d’agir concrètement pour une agriculture belge plus écologique. C’est notre affaire à toutes et tous: ensemble, nous pouvons construire un avenir plus durable pour notre alimentation et pour notre environnement.

© Jean-Marc Quinet/Belpress.com