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L'info n°226/01/2024

«L’époque où la CSC était un bastion masculin est révolue»

Après douze ans, Marc Leemans a transmis le flambeau de la présidence de la CSC à Ann Vermorgen. Entrée en fonction le premier janvier dernier, elle aborde pour L’Info les défis à relever au présent et à l’avenir.

Prop. recueil. par B. Van Vaerenbergh


Ce 1er janvier 2024, Marc Leemans a passé le flambeau de la présidence à Ann Vermorgen.

Vous êtes la première femme à accéder à la présidence de la CSC. Il était temps?

Oui. Pendant quinze ans, j’ai été responsable de l’action en matière de genre et d’égalité des chances, et je vois que nous avons accompli des progrès considérables. Nous avons fait le choix d’une démarche plus résolue, notamment lors de plusieurs congrès où nous avons adopté des résolutions en la matière. Il ne s’agit pas uniquement de la présidence, mais bien de toute l’organisation. L’époque où la CSC était un bastion purement masculin est révolue. Je vois de plus en plus de femmes au Conseil général. Au Bureau journalier, qui assure la direction journalière de la CSC au niveau national, nous sommes même plus de femmes que d’hommes. Ce qui était une exception dans le passé est aujourd’hui devenu une évidence. Notre organisation doit être le reflet de la société, et je pense que nous évoluons aujourd’hui vers un bon équilibre.

À l’approche des élections sociales, pourquoi est-il important de trouver suffisamment de (nouvelles) candidates?

Il est important d’arriver à un équilibre à ce niveau également. Nous comptons de nombreux nouveaux candidats, de nouvelles personnes prêtes à s’engager pour leurs collègues sur le lieu de travail. La semaine dernière, j’ai encore reçu une message d’une dame qui demandait ce qu’elle devait faire pour devenir candidate, même si elle savait que ce ne serait pas facile. Il n’est pas évident de défendre ses collègues, et pourtant, nous réussissons à trouver des milliers de candidats. Les partis politiques sont aussi à la recherche permanente de candidats, mais nous devons en trouver bien plus qu’eux. Et nous y parvenons. C’est aussi une énorme responsabilité pour la CSC. Nous devons former nos délégués et les accompagner pour qu’ils soient en position de force sur le terrain, dans des circonstances parfois difficiles.

Qu’attendez-vous des élections sociales?

Je les attends avec enthousiasme, et j’ai pleine confiance en nos militants. Les travailleurs donnent leurs voix à leurs collègues. Nous devons poursuivre nos efforts pour que ce soit possible, y compris dans les entreprises, les organisations et les institutions sans élections sociales. À en croire l’Unizo1, nous sommes un pays de PME; nous devons veiller à être présents également dans ces PME. Nous devons aussi entrer en contact avec ces travailleurs.

En plus des élections sociales, nous voterons également cette année pour les élections politiques. Quel est votre avis à ce sujet?

Les résultats électoraux aux Pays-Bas ont fait couler beaucoup d’encre chez nous. Nous ne pouvons pas penser que nous sommes à l’abri. Dans nos formations, nous tenons à mettre en avant le vrai visage des partis d’extrême droite, qui présentent aux électeurs un programme apparemment social. Ils vont chercher des thèmes qui sont également chers aux yeux des syndicats mais, dans la pratique, ils votent au niveau européen contre l’augmentation du salaire minimum, ils ont voté en faveur de la loi sur la norme salariale… Et je ne les ai jamais entendus se prononcer sur les grosses fortunes ou les bénéfices énormes de certaines sociétés. Ils ont également un côté très sombre, ils prêchent la haine et la division. Plus on monte les gens les uns contre les autres, plus on renforce les tensions dans la société. Nous pouvons démonter tous leurs arguments, mais leur succès montre avant tout que les questions sociales préoccupent les citoyens. Les autres partis politiques ne nous aident pas. Beaucoup d’entre eux ont un programme social trop faible. Ils sont très souvent à la traîne face à l’extrême droite.

Quels seront les dossiers sur la table pour la période à venir?

La loi sur la norme salariale ne disparaîtra pas de notre agenda. Certains y lient l’indexation automatique des salaires, mais l’un n’a évidemment rien à voir avec l’autre. Ce sera un combat, tout comme le dossier des pénuries sur le marché du travail. De nombreux aspects et secteurs sont concernés. Dans les soins aux personnes, les services techniques ou l’enseignement, partout on manque de personnel. Dans les écoles, les élèves se retrouvent en salle d’étude et certains cours ne sont plus donnés. Dans le même temps, les signaux d’alarme se multiplient pour dénoncer une charge de travail trop élevée. Toujours à propos de la pénurie sur le marché du travail, on vise aujourd’hui un taux d’activité de 80%. Pour arriver à ces 80%, toutes les femmes au foyer et les mères qui restent à la maison devraient rejoindre le marché du travail. Ceux qui lancent de telles idées oublient qu’il existe aussi d’autres groupes. Qu’en est-il des personnes d’origine étrangère que l’on refuse d’engager pour des raisons de discrimination? Qu’en est-il des travailleurs plus âgés que l’on ne veut plus embaucher? Pourquoi ne pas améliorer les salaires pour certains métiers? Mais non, on préfère s’en prendre aux femmes au foyer.

Quels accents voulez-vous mettre en avant?

Je travaille toujours en respectant le principe «voir, juger, agir». C’est nécessaire à notre époque, où l’on est bombardé d’informations de toutes parts, au risque de ne plus voir clair. Nous devons éviter de juger ou de condamner trop vite. Je me pose régulièrement la question de savoir pour qui je fais ce que je fais. La réponse est simple: pour les travailleurs et les travailleuses. Ce sont eux qui constituent le capital humain, ce sont eux qui font tourner le pays, pas seulement les entreprises ou les organisations. D’autre part, je pense que nous devons aussi oser innover, que nous ne pouvons pas rester dans notre zone de confort. Nous devons nous écouter, chercher ensemble la meilleure manière d’aborder les choses. Je crois énormément au dialogue social, mais il demande du temps et de la patience. De nombreux défis nous attendent. Les interlocuteurs sociaux devront prendre leurs responsabilités communes.

1. L’équivalent de l’Union des classes moyennes (UCM) en Flandre, NDLR.

Ce que je fais, je le fais pour les travailleurs et les travailleuses.

Bio express

Ann Vermorgen (58 ans) a terminé ses études d’assistante sociale en 1986. Elle a été permanente et présidente nationale de la Jeunesse ouvrière chrétienne (Joc) féminine flamande. En 1995, elle est devenue vice-présidente de la Joc flamande unifiée. En 1996, elle a commencé à travailler comme permanente syndicale à la CSC Services publics, où elle était responsable des institutions publiques flamandes. En 2007, elle a accédé à la fonction de Secrétaire nationale de la CSC Services publics, et a ensuite siégé à partir de 2008 au Bureau national et au Bureau journalier de la CSC, où elle était responsable de la CSC flamande.


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