La travailleuse qui témoigne ici travaille en CDI depuis une trentaine d’années dans une institution européenne. Déléguée syndicale, elle est à présent en fin de carrière.
Au début, elle travaillait en horaires coupés, seule solution pour pouvoir s’occuper de ses trois enfants. Quand ses enfants ont grandi, elle a augmenté ses heures de travail le matin et arrêté de travailler le soir. Elle s’était dit qu’une fois que ses enfants seraient grands, elle reprendrait une formation pour changer de métier. Elle ne pensait pas rester dans le nettoyage. Mais ensuite, ils ont acheté une maison et elle a dû continuer pour des raisons financières.
Lorsque cette travailleuse a commencé cet emploi, il était possible de combiner un mi-temps de travail avec un mi-temps sur le chômage. Quand cela n’a plus été possible, elle a voulu travailler davantage. Petit à petit (à coup d’une heure supplémentaire par-ci, par-là), elle est arrivée à un temps plein, au bout de plusieurs années. Ce n’est pas facile à obtenir, car la norme, ce sont plutôt les mi-temps. La plupart de ses collègues travaillent à temps partiel. Parfois par choix. Elle a des collègues qui travaillent dans trois sociétés différentes, surtout des femmes. En effet, il y a un incitant financier à combiner plusieurs mi-temps: on gagne un peu plus que si on prestait toutes ces heures dans le cadre du même contrat. Pour l’employeur, financer des temps partiels est moins cher que de financer des contrats temps plein à long terme, et c’est plus simple pour organiser le travail. Les travailleurs n’osent pas réclamer de temps plein, de peur de perdre leur place.
Chaque société amène sa propre organisation du travail. Du temps de l’ancienne société, il y avait deux personnes par zone, et elles devaient tout faire. Avec la société actuelle, une seule personne par étage mais quelqu’un d’autre vide les poubelles. Puis cela a changé, et c’est la personne en charge de l’étage qui doit aussi vider les poubelles. La société teste les limites, pour voir jusqu’où les gens peuvent aller. On les pousse au maximum. La travailleuse qui témoigne ici trouve normal que chaque société aie ses règles, mais l’organisation au détriment de l’ouvrier n’est pas évidente.
“Le rythme de travail a changé: ce qu’elle nettoyait en 3h il y a 30 ans, elle doit le faire en 1h maintenant.”
Le rythme de travail a changé: ce qu’elle nettoyait en 3h il y a 30 ans, elle doit le faire en 1h maintenant. Le client devient plus exigeant, le cahier des charges est compliqué. La société qui l’emploie signe, car le contrat est intéressant pour elle, mais ce sont les ouvriers qui paient. De plus, en vieillissant, la cadence devient d’autant plus difficile à suivre. Elle a plusieurs problèmes de santé, notamment des tendinites, elle s’est fait opérer trois fois du bras droit, souffre aussi du pouce et du canal carpien. Elle est passée en mi-temps médical depuis trois ans au vu de son âge (environ 58 ans). Elle preste désormais 4h30/jour, et les 3h restantes sont prises en charge.
Source: Temps partiel (in)volontaire parmi les travailleuses de la vente, du nettoyage et des maisons de repos et de soins: étude qualitative, KU Leuven, 2021
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