À l’occasion d’un débat organisé par la FEC en février 2023, Jean-Michel Culot, alors délégué chez Holcim1, une entreprise de ciment située à Obourg (Mons), témoignait des enjeux en matière de décarbonation, d’emploi et de formation.
Propos recueillis par Danièle Ernotte
Sur le site d’Obourg, il y a environ 160 travailleurs, qui sont actuellement dans la plus complète incertitude quant à l’avenir. La carrière de craie, qui alimente nos fours, arrive en fin de vie. Pour préserver ses activités en Belgique tout en réduisant ses émissions de CO2, Holcim veut construire un nouveau four à clinker qui sera alimenté par du calcaire qui proviendra d’une nouvelle carrière située dans le Tournaisis.
Ce nouveau four permettra de concentrer le CO2, de le capturer et de le valoriser ultérieurement. S’il voit le jour, il devrait intégrer les technologies les plus avancées sur le plan technique et environnemental. Je dis «si», car l’investissement, estimé à 500 millions d’euros, n’est pas encore décidé. On attend notamment des aides publiques européennes. Or, le temps presse: il ne nous reste que trois ans avant la fin du gisement de craie. Si ce projet ne voit pas le jour, on estime qu’environ 300 travailleurs répartis sur différents sites seront impactés. Si, par contre, Holcim décide d’investir dans une nouvelle installation, ce sera une bonne nouvelle pour l’emploi dans la région.
Mais une question se pose: celle des qualifications des travailleurs actuels. On a une industrie vieille de plus d’un siècle, où les techniques n’ont pas beaucoup changé au fil du temps. Pour caricaturer, on risque de passer de l’ère primaire à une évolution 4.0, en termes de compétences. Que vont devenir nos travailleurs? En tant que représentants syndicaux, on a souvent interpellé la direction pour anticiper ces évolutions futures, mais repousser les décisions n’aide pas.
Beaucoup de secteurs sont touchés par la transition écologique. Quel sera l’impact sur nos emplois? C’est loin d’être clair partout. Sur le terrain, nous observons que les travailleurs et leurs représentants ne sont pas suffisamment informés et impliqués en amont dans ces questions. Ou alors, au stade des licenciements…
Il faut obliger les entreprises à anticiper ces impacts sur l’emploi: quels sont les métiers et professions qui vont devoir évoluer? Quelles sont les nouvelles compétences et fonctions qui vont être nécessaires? Comment associer les travailleurs à ces réflexions? Toutes les entreprises doivent se poser ces questions et mettre en place des plans de formation ambitieux qui permettent aux travailleurs d’envisager des reconversions vers des emplois qui leur conviennent et de se former dans de bonnes conditions.
1. M. Culot ne travaille aujourd’hui plus chez Holcim.
© David Taquin