Dans un communiqué de presse, les syndicats et les associations de la société civile mobilisés contre la «loi anticasseurs» commentent l’avis remis par le Conseil d’État concernant les amendements apportés par le gouvernement au projet de loi du ministre de la Justice. Nous le publions dans son intégralité.
David Morelli
Depuis le mois de juin, Syndicats et associations de la société civile alertent l’opinion publique et les médias sur le danger démocratique que contient le projet de loi du ministre de la Justice, spécifiquement sur l’interdiction judiciaire de manifester pour des faits commis dans des rassemblements revendicatifs.
Suite à nos actions, les partis progressistes de la coalition Vivaldi ont introduit des amendements dans le texte pour tenter de protéger le droit de protester, et donc celui des personnes qui manifestent. Il s’agit principalement des organisations syndicales et autres associations pour lesquelles les manifestations et rassemblements revendicatifs représentent les modes d’action principaux.
Le Conseil d’État a jugé ces amendements totalement inefficaces de ce point de vue. En effet, l’avis rendu démontre que la question de l’intentionnalité demeure floue, que le nombre de cent personnes est un critère trop incertain qui manque de prévisibilité, et que le droit de grève est entendu de manière très restrictive. Nous avions déjà critiqué ces amendements en doutant de leur réelle efficacité à protéger le droit de manifester. Le Conseil d’État nous donne raison.
Par ailleurs, il nous semble important de rappeler qu’il existe déjà dans l’arsenal législatif et judiciaire, les outils pour punir les délits des éventuels casseurs, la Loi Van Quickenborne étant censée viser uniquement les casseurs. Nous le répétons: cette loi sera inutile.
Nous sommes aussi convaincus que ce type de mesure va dissuader un certain nombre de personnes, totalement pacifiques, de se rendre à une manifestation. La crainte d’être sanctionnée ne doit pas être sous-estimée.
Enfin, syndicats et associations soulèvent le problème de l’application d’une telle loi. Un contrôle massif d’identité en amont d’un rassemblement revendicatif… aux moyens de quelles entraves à la vie privée? L’utilisation des caméras avec reconnaissance faciale? Des convocations au commissariat de police pour chaque manifestation? La mise en application concrète pose de sérieuses questions en matière de droits humains. C’était d’ailleurs une des critiques formulées par l’Institut Fédéral des Droits Humains, qui avait aussi rendu un avis négatif.
Le jeudi 5 octobre dernier, nous étions plus de 10.000 manifestants et 0 casseurs, pour demander aux mandataires politiques de ne pas voter ce texte (lire ci-dessous). Aujourd’hui, compte tenu de l’avis du Conseil d’État, les membres progressistes de la Vivaldi n’ont plus aucune raison de le faire.
Le Conseil d’État confirme les doutes soulevés envers le projet de Loi Van Quickenborne.
Plus de 10.000 manifestants ont une nouvelle fois fait entendre leur refus du projet de loi «anti-casseurs» que veut faire voter le ministre de la Justice.
David Morelli
«La Loi Van Quickenborne veut nous priver du droit de manifester. Je pense que c’est important que tout le monde réagisse et qu’il y ait autant de monde dans la rue». Comme cette militante de l’ACV-CSC Metea, plus de 10.000 personnes se sont mobilisées le 5 octobre dernier pour contester le projet de loi Van Quickenborne. Pour les trois syndicats et la société civile à l’initiative de cette troisième manifestation, le risque existe que, derrière l’intention affichée de viser les casseurs qui s’introduisent dans les manifestations, le projet de loi devienne un levier pour restreindre les manifestations, même pacifiques. «Cette loi est une porte ouverte pour interdire toute manifestation sur la voie publique. On ne peut pas être d’accord avec ça», tonne Jean-Jacques, venu manifester avec la CSC Liège-Verviers-Ostbelgien devant le cabinet du ministre.
Les précédentes mobilisations ont permis d’amender le projet de loi mais ces corrections ne permettent pas d’écarter totalement les risques qu’il fait peser sur les libertés fondamentales d’expression et de manifestation. L’avis du Conseil d’État sera déterminant pour la suite.
«Nous sommes des manifestants, pas émeutiers!» a rappelé Marie-Hélène Ska, secrétaire générale de la CSC, à la fin de la manifestation qui, après être passée, tous fumigènes allumés, devant le siège d’Ecolo et du PS, terminait son périple sur la place Rouppe. «Rendez-vous pour le vote au Parlement, dès que celui-ci sera agendé, et rendez-vous pour que chacun et chacune rende des comptes sur ce qu’il va voter».
Et si la Loi devait finalement passer? «C’est quelque chose que l’on n’oubliera pas car ça veut dire que dans l’opinion des parlementaires, et d’un certain nombre de partis politiques, manifestant égale casseur. C’est un amalgame que nous n’acceptons pas et que nous n’accepterons jamais.»
© Aude Vanlathem
Nous n’accepterons jamais l’amalgame entre manifestant et casseur.