Le livre «KZ-syndroom», ou syndrome des camps de concentration, est un récit poignant. L’ancien magistrat Henri Heimans a suivi la trace de ses parents, tous deux rescapés d’un camp de concentration. Dirk Verhofstadt, moraliste, a méticuleusement documenté ce récit. Le résultat est un rapport glaçant de l’horreur du régime nazi. Ce livre constitue également un avertissement clair: «Quiconque pense que le Vlaams Belang est un parti normal commet une grave erreur.»
Lies Van der Auwera
«Il fait toujours froid et humide ici. Impossible de se défaire de cette impression.»
Henri Heimans arpente les couloirs du fort de Breendonk. Son père y a été détenu six mois avant d’être déporté à Auschwitz. Pour le livre «KZ-syndroom», Henri Heimans et Dirk Verhofstadt ont visité de nombreux camps: Auschwitz, Mauthausen, Melk, Ebensee et Ravensbrück. Et donc aussi le Fort de Breendonk.
HEIMANS: «Bien que mes parents aient tout deux survécu aux camps nazis, ils n’en parlaient jamais à la maison. Ma mère était très souvent malade, affaiblie par les traumatismes qu’elle avait endurés. A un âge très avancé – ma mère était décédée depuis longtemps – mon père a commencé à écrire son histoire. Avec une urgence soudaine au cours des derniers mois de sa vie. Il a continué à écrire et m’a confié le manuscrit complet peu avant sa mort, en me disant: «Lis-le quand tu seras prêt!» Ce n’est qu’à l’âge de la pension que je me suis plongé dans ses cahiers et que j’ai réalisé que je ne connaissais finalement que peu de choses sur ces événements.»
HEIMANS: «Ma mère était gravement malade, psychologiquement surtout. Elle était tourmentée par de fortes migraines, des crises d’angoisse, des cauchemars… elle a même tenté plusieurs fois de mettre fin à ses jours… Toutes ces souffrances résultaient des tortures et des traumatismes qu’elle avait subis dans les camps nazis.»
VERHOFSTADT: «Après la guerre, on a peu prêté attention aux victimes. Les survivants taisaient ce qu’ils avaient vécu ou étaient incapables d’en parler. La honte a aussi contribué à ce silence: «J’ai survécu alors que des millions d’autres sont morts.»
Ce n’est que dans les années 60 et 70 que l’on a commencé à enquêter sur ce qui s’était passé là-bas. Dans les années 1980, des médecins ont établi qu’il existait un syndrome des camps de concentration. Pour la mère d’Henri, ce syndrome s’est manifesté de façon très intense.»
VERHOFSTADT: «Oui, j’en vois. En 1933, Hitler est arrivé au pouvoir. La démocratie s’est muée en une dictature à une rapidité incroyable. J’avais déjà écrit Dagboek 1933, qui était consacré à cette question. Le penchant pour l’autoritarisme et des régimes comme ceux de Poutine et d’Orbán est une première caractéristique. On relève également la critique féroce de l’extrême droite envers le pouvoir judiciaire. Regardez la réaction du président du Vlaams Belang, Tom Van Grieken, après le jugement rendu dans l’affaire Schild en Vrienden, dans laquelle Dries Van Langenhove a été condamné à une peine de prison ferme: Van Grieken qualifie la justice de pourrie et de corrompue. Il considère donc le pouvoir judiciaire comme un obstacle.»
«En outre, la manière déshumanisante dont certains parlent des demandeurs d’asile ou des réfugiés est révoltante: des rats, des parasites…»
«Il y a une vidéo sur Tiktok qui remonte à septembre 2021, dans laquelle Van Grieken annonce qu’il demandera des comptes à tous les enseignants de gauche en 2024. Je vous assure que tous ceux qui s’écartent de l’idéologie identitaire flamande du Vlaams Belang seront dans sa ligne de mire.»
HEIMANS: «Je ne peux qu’espérer que les électeurs seront suffisamment critiques. Restez vigilants, c’était aussi le message de mon père à la fin de sa vie.»
VERHOFSTADT: «Pour moi, l’extrême droite est un poison insidieux qui paralyse la raison et fait émerger le pire chez l’être humain. Ne rien faire n’est pas une option. Les partis et la société civile doivent réaffirmer clairement que le cordon sanitaire sera maintenu.
Ceux qui pensent que le Vlaams Belang est un parti normal se trompent lourdement.»
Cet article reprend des extraits d’une interview publiée en néerlandais dans le magazine «Visie» de la CSC.
© Johannes Van de Voorde