Face à la hausse persistante des prix énergétiques, bon nombre de ménages sont confrontés à d’immenses difficultés financières. Les mesures prises par le monde politique sont insuffisantes. Pour Mathieu Verjans, secrétaire national de la CSC, il s’agit d’une première étape, mais il faut offrir des perspectives plus vastes et à plus long terme.
Bram Van Vaerenbergh
La manifestation a rassemblé plus de 10.000 personnes.
Les 31 août et 16 septembre, les différents exécutifs se sont retrouvés pour un comité de concertation (Codeco) consacré à la crise énergétique. Les mesures qui ont été prolongées – telles que la baisse de la TVA et des accises et la prolongation du tarif social jusqu’à l’hiver – semblent n’être rien d’autre qu’une goutte d’eau dans l’océan. Mathieu Verjans, secrétaire national de la CSC: «Ces mesures offrent un peu de perspectives et d’espoir, mais il s’agit d’une première petite étape. Le Premier ministre a dit qu’il faudrait encore s’attendre à cinq, voire dix hivers difficiles. Mais alors, le gouvernement doit donner des perspectives plus vastes et à plus long terme aux citoyennes et aux citoyens. Aujourd’hui, beaucoup de ménages sont confrontés à d’immenses difficultés financières et nous voyons de plus en plus de gens qui risquent d’en avoir. Par conséquent, nous devons trouver des solutions avec le monde politique qui doit offrir des perspectives structurelles.»
L’accessibilité du tarif social reste un point névralgique. Quelque 150.000 personnes sont en droit d’en bénéficier mais n’en font pas la demande, souvent faute d’information. Le monde politique a promis d’étudier les moyens d’automatiser ces demandes. Mathieu Verjans: «Nous répétons ces revendications depuis des mois. Il faut automatiser l’octroi du tarif social, mais aussi dans d’autres domaines. Les personnes en difficultés ne devraient pas devoir elles-mêmes mendier ce à quoi elles ont droit. Les pouvoirs publics devraient accorder ces droits automatiquement».
Le blocage des prix énergétiques est une question qui relève surtout de l’Union européenne, même si à ce niveau également, tous ne sont pas enthousiastes pour entraver le fonctionnement du marché libre. Mathieu Verjans: «On dit que le marché libre se réglementera, mais nous constatons aujourd’hui que les prix ne cessent d’augmenter et que certaines sociétés énergétiques – et d’autres également – enregistrent des bénéfices colossaux, tandis que les gens sont confrontés à des factures impayables. Nous demandons que la Belgique accentue la pression sur l’Union européenne pour forcer une avancée plus rapide. Pour les prix énergétiques, le mécanisme des prix doit être très rapidement adapté à cette situation de crise».
Les personnes en difficultés ne devraient pas devoir elles-mêmes mendier ce à quoi elles ont droit.
Le secrétaire national juge que l’impôt annoncé sur les bénéfices excessifs va dans le bon sens. «La CSC plaide depuis des années en faveur d’une fiscalité équitable, basée sur le fait que les entreprises et les citoyens versent une contribution équitable sur les bénéfices qu’ils réalisent. Les chiffres de la Banque nationale montrent que beaucoup d’entreprises ont enregistré de gros bénéfices, pour lesquels elles ont aussi rémunéré leurs dirigeants et leurs actionnaires. Mais, d’autre part, on voit que les travailleurs sombrent dans la misère à cause de ces prix énergétiques. Ce n’est pas admissible. Cela va causer un malaise social.»
Dans le même temps, M. Verjans estime qu’il faut agir à plus long terme. «Nous devons réduire notre dépendance énergétique vis-à-vis de régimes peu fiables, c’est la seule solution. Nous pouvons même y parvenir en consommant moins d’énergie et, en même temps, en produisant nous-même davantage d’énergie. À cet effet, les primes régionales à la rénovation, les aides pour les panneaux solaires, les prêts ne suffisent plus du tout. Face à l’ampleur des factures actuelles, qui peut encore rembourser un emprunt supplémentaire? Dans ce domaine, les pouvoirs publics doivent radicalement revoir leurs efforts et les intensifier.»
Les perspectives inquiétantes quant à l’évolution future des prix du marché obligent les différents pouvoirs publics à s’entendre rapidement sur une coopération et des efforts supplémentaires. Ainsi, la CSC propose notamment d’adapter la loi de 2017 relative à la norme salariale. Cette loi empêche toute marge pour la concertation salariale, de sorte que la perte de revenus liée à la différence entre l’inflation (qui est fortement influencée par la crise énergétique) et l’indice-santé ne peut être compensée, ce qui entraîne une baisse des salaires réels. M. Verjans: «Le monde politique doit faire en sorte que des négociations raisonnables puissent avoir lieu – là où c’est possible – afin que les travailleuses et les travailleurs puissent se voir attribuer une partie des importants bénéfices des entreprises. Nous avons déjà expliqué que nous ne pourrions participer à la concertation interprofessionnelle sur les salaires si la loi relative à la norme salariale n’est pas modifiée. Heureusement, la concertation salariale ne se limite pas aux salaires et, en tant que syndicat de concertation, nous resterons toujours ouverts à un débat avec les employeurs sur les conditions de rémunération et de travail. Mais si cela ne donne pas de résultats, nous devons nous attendre à un automne perturbé».