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L'info n°0224/01/2025

Politique industrielle belge: les 14 priorités de la CSC

L'industrie en Belgique doit être un moteur de l'économie. En effet, de nombreux produits de consommation proviennent des industries de base. Aujourd’hui, le secteur est confronté à des défis structurels. Ainsi, l'emploi dans ce secteur a chuté de 6% au cours de la dernière décennie et correspond aujourd’hui à 12% de l’emploi en Belgique. La part de l’industrie dans le total des émissions de gaz à effet de serre dans notre pays s’élève à 28,4%.

Ces défis montrent l'importance d'une politique industrielle ambitieuse. Afin de les relever, la CSC met en avant 14 priorités:

1. Un gouvernement offensif.

Les gouvernements, aux différents niveaux de pouvoir, créent, de façon coordonnée, les conditions préalables et le cadre réglementaire adéquat pour investir dans des projets durables. Ils utilisent leurs appels d'offres publics pour stimuler une industrie locale climatiquement neutre. Ils travaillent de manière proactive et se concentrent sur les feuilles de route et les orientations sectorielles, socialement concertées.

2. Développer une autonomie stratégique.

Le gouvernement fédéral et les Régions devraient établir une liste de secteurs (santé, pharma, alimentation, énergie…) et de biens stratégiques à produire ici. En bonne coopération avec le Fédéral et les autres Régions, les outils financiers régionaux pourraient alors décider des filières à réorganiser par écosystèmes coopératifs sur les périmètres territoriaux pertinents. Les entreprises produisant ces biens et services seraient soutenues par ces mêmes outils financiers publics régionaux, sous forme d’entrée dans le capital et/ou de prêts subordonnés remboursables.

L’industrie est confrontée à de nombreux défis: coûts élevés de l'énergie, concurrence internationale, course aux subventions, transition écologique, numérisation…

3. Conditionner les aides publiques.

Les divers soutiens octroyés par les autorités publiques doivent viser en priorité les entreprises à plus-value sociale et environnementale. Ces soutiens doivent être liés à des conditions sociales et environnementales claires, telles que l'ancrage local, la consultation sociale, la durabilité et la transparence.

4. Généraliser les marchés publics durables.

Les gouvernements doivent utiliser davantage leurs appels d'offres publics pour soutenir et encourager l'industrie locale climatiquement neutre et éviter le dumping social. Il doit également se concentrer davantage sur la valeur ajoutée sociale et la qualité plutôt que sur le prix le plus bas. Un meilleur contrôle de l'accès aux marchés publics, la responsabilité conjointe et solidaire du donneur d'ordre et du maître d'œuvre, la limitation de la chaîne verticale, des clauses sociales et environnementales renforcées, des contrôles efficaces sur le terrain et le développement des connaissances des services de passation de marchés sont autant de moyens concrets pour y parvenir dans la pratique.

5. Implémenter l’économie circulaire dans tous les secteurs.

Il s’agit de construire et de renforcer les chaînes de valeur circulaires sectorielles et intersectorielles. Cela permet à la fois de réduire notre dépendance aux ressources et nos émissions de GES. Il existe des aspects intersectoriels pour développer une plus grande circularité des flux de matières / déchets et d’énergie d’un secteur vers un autre. Il convient également d’encourager la production locale, les circuits courts ainsi que les formes d’entrepreneuriat et de commerce qui répondent à nos valeurs (commerce équitable, économie sociale…) et les logiques de durabilité.

6. Développer des alliances emploi-environnement.

Il faut encourager et créer des milliers d’emplois décents dans les secteurs clés de la transition écologique (rénovation des bâtiments, alimentation durable…). Des programmes de formation/reconversion professionnelle doivent être développés en cohérence avec ces alliances.

7. Une concurrence internationale équitable dans tous les domaines (social, économique, environnemental…).

Nous devons nous engager pleinement en faveur d'une coordination et d'un financement européens en ce qui concerne la politique industrielle et mettre fin à la course actuelle aux subventions entre les pays européens. Une mesure importante consiste également à interdire la conclusion d’accords de libre-échange sans chapitre «commerce et développement durable» contraignant avec des clauses de droit du travail, des droits humains et environnementales exécutoires.

8. Une politique énergétique tournée vers l’avenir.

Une énergie propre, disponible en suffisance, fiable et abordable est essentielle pour alimenter notre industrie. Il est urgent d'accélérer le déploiement des énergies renouvelables et décarbonées. Des investissements publics plus importants sont nécessaires dans les réseaux d’infrastructure et dans le mix énergétique. Il est urgent que notre pays reconnaisse l'énergie comme un bien essentiel et stratégique et réduise sa dépendance énergétique par le développement de sources d'énergie durables et des mesures de réduction de la demande, tout en éradiquant la précarité énergétique.

9. Des plans de transition juste.

Protéger l’emploi et anticiper le plus en amont possible les changements. Nous voulons être impliqués dans les décisions stratégiques des entreprises afin de pouvoir au mieux nous préparer aux changements nécessaires à la transition écologique. Pour ce faire, nous avons besoins de plans de transition juste aux niveaux sectoriels et de l’entreprise afin d’anticiper les changements à venir et préparer les travailleurs dans les meilleures conditions. De plus, des outils doivent être disponibles pour que les représentants des travailleurs puissent mesurer et discuter de la transition de leur entreprise / secteur, notamment à travers le bilan carbone et à travers davantage d’informations sur les engagements et sur l’évaluation des accords passés avec les autorités publiques.

10. Le dialogue social: permanent et à tous niveaux.

Il est impératif qu’en notre qualité d’interlocuteur social, nous fassions partie intégrante des discussions en matière de politique industrielle, et ce à tous les niveaux afin d’y intégrer dès le départ les intérêts des travailleurs. Dans les entreprises, le sujet de la politique industrielle doit aussi être abordé dans les différents organes de concertation.

11. Investir dans une société de la connaissance.

S'engager en faveur de l'apprentissage tout au long de la vie, de la formation, du développement et de l'amélioration des compétences ainsi que de la reconversion des travailleurs. Cela garantit un emploi à tous les travailleurs. À cet égard, les secteurs sont les mieux placés pour interagir avec les gouvernements afin de déterminer les besoins spécifiques en formation des (futurs) travailleurs de l'industrie.

12. Une R&I (recherche et innovation) utile pour la société.

Garantir un investissement massif des secteurs public et privé dans l'innovation utile pour la société. C'est l'un des principaux moteurs de la politique industrielle. Les travailleurs et leurs représentants doivent avoir un droit de regard sur les investissements et sur les progrès en R&I. Il est essentiel de garantir que ces innovations se traduisent par la création de nouveaux emplois de qualité sur notre territoire.

13. Diversifier, sécuriser et rendre durables les chaînes de valeur mondiales.

Rendre les chaînes de valeur mondiales plus robustes (par une sécurisation et une diversification de l’approvisionnement en matières premières et du matériel de première nécessité) et plus transparentes, notamment grâce à l’application et à la transposition des principes de devoir de vigilance. Ce dernier permet de garantir que les entreprises manufacturières n'échappent plus aux normes environnementales et sociales. Elles ne sont donc plus incitées à se délocaliser.

14. Une révision des contours de la Loi Renault.

Lorsque l’industrie est confrontée à des restructurations, il est indispensable que les travailleurs et leurs représentants soient sérieusement informés et consultés sur l’avenir de leur outil de travail. L’implication des sous-traitants impactés par les restructurations des grandes entreprises industrielles dans ces processus est également fondamentale pour assurer un avenir à l’ensemble de la chaîne industrielle.


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