Si bon nombre de personnes ne s’intéressent guère à l’Union européenne et à sa législation, nous devons à une législation européenne forte et détaillée les meilleures conditions de santé et de sécurité dont bénéficient bon nombre de travailleurs.
Kris Van Eyck
La présidence belge du Conseil européen sera l’occasion de plaider pour de nouvelles avancées.
Depuis 1989, vingt-quatre directives destinées à mieux protéger les travailleurs contre des risques spécifiques ont complété un cadre général pour l’analyse des risques et la prévention. Cela concerne par exemple le bruit, les produits dangereux, le portage de charges, les rayonnements, les risques en cas de grossesse, les moyens de protection individuels, la sécurité des lieux de travail, etc. Grâce à ce cadre législatif européen, la législation belge sur le bien-être a pu être renforcée et modernisée rapidement. Pour ce motif, la CSC a toujours beaucoup investi dans le suivi de ce processus européen, pour lequel sa contribution s’est avérée significative.
Il existe de bonnes raisons de contribuer à une législation européenne forte. Chaque année, on dénombre encore plus de 3.300 accidents mortels, et 3,1 millions d’accidents non mortels. À cela s’ajoutent plus de 200.000 décès de travailleurs en raison de maladies professionnelles, dont plus de 100.000 cancers professionnels. De plus, la sécurité et la santé ne peuvent être un facteur de concurrence entre les pays. Il est donc préférable que les règles soient identiques dans toute l’Union européenne. C’est également pour cela que celle-ci entretient des contacts réguliers avec d’autres grandes puissances économiques telles que les États-Unis et la Chine. Un niveau de protection identique dans chaque pays est d’ailleurs particulièrement important pour les travailleurs étrangers, un groupe de plus en plus nombreux.
Toute une gamme d’améliorations de la législation est en cours de travail, notamment concernant les cancers professionnels. Combien de travailleurs peuvent être atteints d’un cancer parce qu’ils ont été exposés à des produits cancérogènes sur leur lieu de travail? Si la réponse idéale serait «aucun», la réalité est, hélas, tout autre. D’où l’importance de fixer des limites claires à cette exposition. C’est ce que fait l’Union européenne lorsqu’elle définit les concentrations maximales auxquelles les travailleurs peuvent être exposés. C’est ce qu’on appelle «des valeurs limites».
Depuis dix ans, notamment sous la pression constante de la CSC, les valeurs limites européennes des principaux produits cancérogènes ont été définies. Ce travail est réalisé au sein d’un Comité consultatif européen sur la sécurité et la santé, qui conseille la Commission européenne sur l’ensemble de la législation relative à ces sujets. Encore mieux: cette année, les employeurs membres de ce Comité, ainsi que les États membres de l’Union européenne, ont accepté de ne plus accepter un risque de cancer supérieur à quatre cancers professionnels pour 1.000 travailleurs, et à donner comme objectif que le risque de cancer ne dépasse pas quatre cancers professionnels pour 100.000 travailleurs. Ce risque est bien trop élevé, certes. Mais il s’agit d’un progrès énorme.
Aujourd’hui, beaucoup de travailleurs sont exposés à des substances dont la valeur limite implique un risque de cancer nettement plus élevé. Cela concerne par exemple l’amiante et la poussière de silice libérés dans l’atmosphère lorsque l’on taille de la pierre, du béton, ou qu’on découpe des pierres naturelles.
La nouvelle valeur limite d’exposition à l’amiante sera cinquante fois moindre que la valeur actuelle.
Grâce à ces nouveaux accords, les substances sur lesquelles se concentrer en priorité ont été identifiées. Pour l’amiante, les travaux préparatoires sont terminés. La nouvelle valeur limite devrait être publiée dans les prochains mois. Elle sera cinquante fois moindre que la valeur actuelle. Le Comité consultatif a remis en septembre un avis à la Commission européenne concernant des normes strictes pour cinq autres produits cancérogènes, dont le cobalt et les fumées de soudage.
Le Parlement européen et le Conseil européen ont entamé en octobre des négociations sur de nouvelles valeurs limites pour le plomb et les di-isocyanates, une substance qui est présente dans des mousses isolantes, des matelas, des semelles de chaussures, etc. En 2024, la procédure en vue de réduire la valeur limite de la poussière de silice sera entamée. Les syndicats sont les instigateurs de toutes ces évolutions; presque tous les groupes du Parlement européen les soutiennent. La CSC investit dans ce travail, notamment par le biais du Comité consultatif européen sur la sécurité et la santé et par le biais de contacts avec le Parlement européen. L’objectif final consiste à disposer, dans quelques années, de normes strictes pour cinquante produits cancérogènes responsables de 80% de l’exposition à des produits dangereux.
L’Europe n’apporte pas de solution à tout. La CSC ne ménage pas ses efforts pour que la Belgique promulgue des lois sur les risques qui ne sont pas encore couverts au niveau européen. Il y a de quoi être fiers des résultats obtenus. Le travail sur un cadre législatif pour les risques psychosociaux, les substances reprotoxiques et, encore dernièrement, les perturbateurs endocriniens (à lire dans L’Info n°18) a été couronné de succès. Cet automne, une proposition de législation sur une autre revendication importante de la CSC est attendue: la prévention des troubles musculosquelettiques (TMS).
Ces bons exemples belges sont utiles pour ouvrir les portes européennes. Sept ans après l’adoption d’une loi en Belgique, par exemple, l’Union européenne s’est elle aussi dotée d’une législation sur les substances reprotoxiques. Avec la présidence belge du Conseil européen, au premier semestre 2024, la CSC plaide désormais pour une directive européenne qui protège les travailleurs contre les risques psychosociaux. Cette interaction constante entre les niveaux national et européen permet d’accélérer l’amélioration de la sécurité et de la santé de tous les travailleurs européens.
© Jean-Luc Flémal – Belpress.com
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100.000
cancers professionnels sont dénombrés chaque année dans l’UE.