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L'info n°2010/11/2023

Pourquoi les flexi-jobs

sont-ils une fausse bonne idée?

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Le flexi-job est une formule de travail mise en place dans certains secteurs d’activité par le gouvernement pour permettre à des employeurs d’engager facilement du personnel de manière flexible… et surtout à moindre coût. Coup de projecteur sur un dumping social qui cache – mal – son nom, et focus sur l’Horeca.

David Morelli

À première vue, le système des flexi-jobs peut sembler séduisant, car il permet à certains travailleurs de gagner un complément de salaire net (sans impôt ni charge sociale) et de sortir (pour certains) de l’illégalité. Mais en réalité, il constitue une forme d’emploi précaire parmi d’autres (intérim, saisonnier, job étudiant, etc.) qui met une pression supplémentaire sur les emplois de qualité. au plan.

Un dumping amélioré

Le 10 octobre dernier, dans son discours de politique générale sur l’état de l’Union, le Premier ministre Alexander De Croo présentait au Parlement l’extension du système des flexi-jobs à de nouveaux secteurs. Des changements prévus à partir du 1er janvier 2024 ont également été présentés: alignement des salaires aux barèmes applicables dans les différents secteurs, avec une exception notable pour l’Horeca, augmentation des charges patronales, mise en place de mesures anti-abus, etc.

Pour la CSC, cette réforme ne constitue pas une solution structurelle au problème de base: des salaires trop bas et des pensions trop faibles. Certes, ces mesures, qui doivent encore être confirmés dans la législation, vont dans un sens positif, et l’élargissement des flexi-jobs à quatorze nouveaux secteurs pourra sans doute aider certaines personnes à boucler les fins de mois. Cependant, arrondir légèrement les angles de cette forme de dumping social ne change rien sur le fond. Dans le système des flexi-jobs, pas d’indemnités pour des prestations irrégulières ou des heures supplémentaires, pas de prime de fin d’année, pas d’ancienneté, et pas de prise en compte des horaires flexibles pour la pension.

Pénurie de solution

Cette extension ne constitue pas non plus la solution à la pénurie de main d’œuvre. Dans certains secteurs, comme celui des garages (à lire dans L’Info n°19), cela va même à l’encontre des besoins des secteurs et des travailleurs. Pour Benjamin Moëst, collaborateur du service d’études de la CSC Alimentation & Services (A&S), cela risque d’«écarter les travailleurs actuels dotés d’expérience. Les secteurs savent qu’ils ne vont pas pouvoir attirer des travailleurs avec des flexi-jobs. Ce qu’il faut, c’est améliorer les salaires et les conditions de travail. Devoir se tuer à la tâche 50-60h par semaine pour avoir un salaire correct est un retour en arrière qui n’est demandé par personne!».

Pour la CSC, face aux besoins criants de certains secteurs, comme celui de la santé, il existe des alternatives mieux rémunérées que les flexi-jobs pour alléger la charge de travail: heures supplémentaires (et de relance), travail intérimaire, prolongations de contrat pour les travailleurs à temps partiel qui souhaitent travailler davantage, et plus de contrats à temps plein.

C’est un coup dur pour la sécurité sociale.


L’Horeca est le premier secteur où ont été introduits les flexi-jobs.

Instabilités

Le système continue par ailleurs à mettre en péril les finances publiques. «C’est encore un coup dur pour la sécurité sociale, déplore Benjamin Moëst. Des cotisations sociales réduites auront une incidence sur les recettes fiscales de l’État. Qui devra encore compenser ce cadeau fait aux employeurs?»

Enfin, plus globalement, cette extension met en danger le travail stable: les employeurs des secteurs dans lequel le système est applicable risquent d’être tentés de faire appel à ces travailleurs en flexi-job qui coûtent moins cher. Ils peuvent d’ailleurs en engager autant qu’ils le souhaitent, sans limite dans le temps. Il est donc potentiellement possible pour un employeur de n’avoir que des flexi-jobs à temps plein en service. Cette situation met en danger les emplois fixes qui assurent un secteur stable. 

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