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L'info n°2010/11/2023

CSC Transcom

«Odyssée 2030: cap sur le présent»

Les 20 et 21 octobre dernier, les militants de la CSC Transcom se sont retrouvés à Mons pour un congrès statutaire, qui a aussi été l’occasion d’une réflexion approfondie sur la numérisation du travail.

David Morelli


Un échange entre un robot et une modératrice a symbolisé les enjeux de la numérisation.

La CSC Transcom rassemble des travailleurs et travailleuses des secteurs du transport (par route, rail, voies maritimes et fluviales, aérien), des télécoms, de bpost, du diamant et de la culture. Certains travaillent dans le privé, d’autres dans des entreprises autonomes publiques. Cette composition «mosaïque» donne à la centrale professionnelle une vue transversale sur des questions de société actuelles. La numérisation fait indubitablement partie des défis auxquels font face les plus de 80.000 membres et 6.000 militantes et militants des secteurs couverts par la centrale.

Pendant deux jours de congrès, 240 militants se sont plongés dans le contenu du nouveau monde dans lequel nombre d’entre eux nagent déjà: celui de l’intelligence artificielle (IA), de la numérisation et de l’automatisation. «C’est important pour moi d’être ici pour échanger avec d’autres travailleurs, explique Mohamed, délégué syndical dans une entreprise logistique. Si, pour le moment, le tri se fait encore manuellement dans mon entreprise, les machines pouvant réaliser le tri et/ou le chargement automatiquement constituent un risque pour l’emploi à l’avenir.»

Thierry, chauffeur de taxi, lutte «depuis 2014 contre l’ubérisation du travail et la concurrence déloyale que cela crée. Je voulais voir comment cela se passe au niveau de la manière de travailler dans les autres métiers.»


Concurrence de l’IA

Ticketing électronique, QR code d’identification, village numérique où l’on trouve des exosquelettes, des casques de réalité augmentée et des simulateurs de conduite de train… dès l’arrivée des congressistes dans l’enceinte ultra-moderne du Wallonia Conference Center Mons, le ton est donné. Et il se confirme lors de leur entrée dans l’auditoire principal: c’est un échange entre un robot se rêvant modérateur et une modératrice humaine qui les accueille, cette dernière expliquant qu’elle ne compte pas se laisser prendre son travail par une machine.

«La technologie peut-elle améliorer les emplois des travailleurs et la qualité de vie des gens?» interroge Koen De Mey, président de la CSC Transcom, dans son discours d’accueil… rédigé par ChatGPT. «En l’absence d’une réglementation et d’une supervision adéquate, la technologie ne risque-t-elle pas de devenir un moyen de contrôle, de violation des droits fondamentaux et de discriminations à l’encontre des travailleurs?» Des questions fondamentales, à l’heure où «l’IA devient notre plus grand concurrent».

L’évolution technologique doit rester au service de l’humanité.

Transports:

la technologie avance

Les nouvelles technologies ont permis les avancées suivantes dans le secteur des transports:

  • Des lunettes de réalité augmentée chez Infrabel pour voir le sous-sol.
  • Des drones pour observer les voies, mais aussi pour détecter les défauts du rail.
  • La gare de Binche a été numérisée (en 2022) par une IA, via un exosquelette créé par une start-up à la demande d’Infrabel.
  • Les nouveaux engins de traction sont équipés d’une télémétrie gérée par l’IA, capable de détecter une panne avant qu’elle ne survienne.

Questions fondamentales

Pour la CSC Transcom, «il est nécessaire de clarifier le sujet et d’y apporter des lignes à ne pas franchir. L’évolution technologique doit rester au service de l’humanité, et certainement pas être une excuse pour déréguler à tout va, ou concentrer le pouvoir dans les mains de quelques-uns».

L’évolution technologique est-elle la solution ou le problème? Quel type d’emploi, quels métiers pour les jeunes demain? Comment communiquer avec les membres via les outils digitaux, tout en restant proches d’eux? C’est sur base de ces questions que se posaient les militants que le thème du congrès a été choisi. Elles sont aussi le point de départ des lignes de forces, élaborées lors d’ateliers qui ont débuté en septembre 2022 sur le thème Le travail dans un monde de plus en plus numérisé. Ces ateliers, déclinés sous une forme plus informative à l’occasion du congrès, portaient sur trois thématiques. 

1. (R)Évolutions technologiques: la CSC Transcom a interrogé ses militants sur les propositions à apporter face aux (r)évolutions en cours au niveau des métiers – «une question qui ne doit pas être gérée par le seul marché économique» – et des technologies: «on est passés de machines serveuses à un régime de machines gestionnaires, voire donneuses d’ordre. Cela ne peut rester positif qu’à condition que ces évolutions se fassent au profit des hommes et des femmes, et de leur environnement de vie et de travail.» 

2. Le télétravail: ce thème a été abordé à travers 3 axes: la mobilité, le lieu de travail, et l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, la CSC Transcom craignant que de nouvelles exigences soient demandées aux travailleurs sans contrepartie. Il en ressort qu’«il est important de pouvoir maintenir de vrais contacts malgré l’évolution des technologies», le télétravail pouvant constituer un obstacle à la création de solidarités. 

3. L’organisation du travail: la centrale professionnelle s’est penchée sur l’évolution en termes d’emploi et de formation et sur le risque que, pour répondre à la demande des consommateurs, la flexibilité et les horaires décalés deviennent la norme. 

Les réflexions issues des ateliers ont donc constitué, après un parcours de démocratie interne, le fondement des lignes de forces et des résolutions d’actualité qui ont été votées le second jour du congrès, à l’instar de modifications statutaires. Ces lignes de forces guideront la CSC Transcom pour les six années à venir dans ses revendications et mobilisations visant à maîtriser les conséquences des évolutions technologiques sur les travailleurs et travailleuses de ses secteurs.


Deux cent quarante militantes et militants ont participé au congrès.

C’est le futur qui arrive!

Ce congrès, c’est le futur qui arrive. C’est important de savoir comment vont évoluer ces technologies pour pouvoir s’y adapter.

J’ai peur de l’impact social de la digitalisation. Il y a entre autres le risque qu’un fossé se creuse entre les générations. On le constate déjà chez les chauffeurs avec l’installation d’une tablette dans les camions. Les anciens chauffeurs ont du mal à suivre.

Ce congrès est un lieu pour partager nos expériences d’aujourd’hui et pour envisager le futur. Tous ensemble, on va faire fonctionner l’intelligence collective et en sortir avec quelque chose de bien. La digitalisation peut être bonne si on n’en devient pas l’esclave. 

© David Morelli

I Propos recueillis par David Morelli I