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L'info n°2010/11/2023

«Les flexi-jobs anéantissent les efforts du secteur de l’Horeca»

Cela fait huit ans que les flexi-jobs ont été installés dans l’Horeca. La CSC Alimentation et Services (A&S) constate les effets néfastes de cette politique sur le secteur.

David Morelli

Le secteur Horeca connait bien le système des flexi-jobs: c’est en effet le premier secteur où ils ont été introduits, en 2015. «Dès le départ, le gouvernement n’a pas écouté les interlocuteurs sociaux de l’Horeca, constate Benjamin Moëst, collaborateur du service d’études de la CSC A&S. Ce secteur emploie une main d’œuvre intensive, et avait besoin d’un soutien pour se sortir d’un système qui était basé sur de la fraude fiscale et sociale». En effet, pour survivre, les entreprises ne déclaraient qu’une partie de leurs revenus pour pouvoir payer leurs travailleurs en noir. Le plus souvent, les travailleurs étaient déclarés 25h par semaine et en prestaient 50.

La CSC A&S était partisane d’un deal pour l’emploi basé, par exemple, sur une réduction de charge lorsque les travailleurs étaient déclarés à temps plein. «Le gouvernement a préféré proposer une solution qui est applicable dans un cas particulier: un travailleur déclaré à minimum 4/5e qui arrondissait ses fins de mois en noir dans l’Horeca, constate
M. Moëst. Cela ne permettait pas de résoudre le principal problème du secteur: comment déclarer à temps plein des travailleurs à temps partiel qui travaillent en noir sans se ruiner?» Les syndicats ont donc ouvertement critiqué ce cadeau tandis que les employeurs, l’acceptaient… même si ce n’est pas ce qu’ils demandaient.

Déstructuration du secteur

Ce système a, certes, pu améliorer la situation de quelques travailleurs qui prestaient quelques heures en noir et la réforme contient des mesures positives.
«Mais il nous faut encore voir sous quelles modalités avant de s’en réjouir trop vite», ajoute Benjamin Moëst.

Plus globalement, ce système n’a pas aidé le secteur à se structurer, à se professionnaliser et à trouver des travailleurs. «Depuis des années, explique-t-il, nous œuvrons pour professionnaliser le secteur Horeca afin de le doter d’entreprises durables qui garantissent un emploi stable. Depuis l’introduction des flexi-jobs, nous constatons que le secteur se déstructure et que l’emploi se précarise. Les flexi-jobs ont induit des pratiques qui nuisent à la qualité de l’emploi». La CSC A&S constate que, comme les flexi-jobs coûtent moins cher, les emplois fixes qui assurent la stabilité du secteur diminuent doucement.

Autre constat: la sécurité de l’emploi et l’équilibre vie professionnelle-vie privée sont mis à mal. En effet, les travailleurs en flexi-job n’ont aucune garantie de prestation, et peuvent être prévenus à la dernière minute de leur engagement.

Et en cas de litige? «Le flexi-job est problématique du fait qu’un contrat de travail peut être conclu oralement. Comment apporter la preuve de l’engagement et du nombre d’heures à prester, dans ces conditions?», interroge M. Moëst.

«Des efforts anéantis»

Sur base de ce qui précède, les conclusions de la CSC A&S sont pour le moins critiques. La centrale professionnelle voit dans cette mesure une motivation «clairement idéologique» visant à mettre au service du patronat des contrats précaires, flexibles, et bon marché.

«Les efforts du secteur sont anéantis. La classification sectorielle mise en place par les interlocuteurs sociaux et les salaires minimums en vigueur dans le secteur sont ignorés, déplore le collaborateur CSC A&S. Le flexi-salaire n’est pas considéré comme de la rémunération, et est inférieur au salaire minimum en vigueur dans le secteur. Le professionnalisme est menacé, le secteur se remplissant de travailleurs qui sont certes motivés mais pas forcément qualifiés.»

Nous constatons que le secteur se déstructure et que l’emploi se précarise.

Incompréhension

Revenant sur les mesures présentées le 10 octobre dernier, un autre problème majeur est pointé: l’Horeca est le seul secteur à ne pas bénéficier d’une augmentation du flexi-salaire. Le salaire minimum y est maintenu à 11,81 euros de l’heure. «Ceci n’a pas de sens, car la moyenne du flexi-salaire dans l’Horeca est de 13,75 euros pour un ouvrier et de 17,5 euros pour un employé. Ce lot de consolation n’est donc pas un véritable cadeau pour les employeurs», explique Benjamin Moëst.

Les employeurs de l’Horeca ont en effet essayé de convaincre le gouvernement de prendre des mesures de soutien, comme l’abaissement de la TVA à 12% sur les boissons non-alcoolisées, l’indexation de la réduction de charges patronales pour les cinq premiers engagements, l’augmentation du plafond des heures supplémentaires nettes, ou encore la généralisation de la caisse enregistreuse à tout le secteur. Mais le gouvernement n’y a pas donné suite. Le maintien des flexi-jobs en l’état serait-il une manière de faire avaler la pilule aux employeurs?

«Cela ne leur rendra pas forcément service, car les emplois en flexi-jobs dans les autres secteurs seront sans doute mieux payés. À choisir, les travailleurs iront donc plutôt exercer leur flexi-job dans une boulangerie que dans un café», conclut Benjamin Moëst.

© Pixabay

Origine sectorielle

Les travailleurs en flexi-job viennent des secteurs suivants:

  • Pensionnés 14%
  • Commerce 12%
  • Enseignement 9%
  • Soins de santé 9%
  • Horeca 9%
  • Industrie 9%
  • Services publics 9%
    etc.

L’Horeca emploie presque 60.000 des 121.000 flexi-jobbeurs. Parmi eux, 10.000 proviennent originellement de l’Horeca. La toute grande majorité des personnes travaillant en flexi-job dans l’Horeca provient donc d’autres secteurs.

Source: Guidea.be