Le nouveau film de Ken Loach, en salles depuis le 25 octobre, prend place dans un ancien territoire minier et aborde avec sensibilité les questions du vivre ensemble et de la migration.
David Morelli
TJ Ballantyne est le propriétaire du «Old Oak»1, un pub situé dans une petite bourgade du nord de l’Angleterre. Il y sert quotidiennement les mêmes habitués désœuvrés, pour qui l’endroit est devenu le dernier lieu où se retrouver. L’arrivée de réfugiés syriens va créer des tensions dans le village. TJ va cependant se lier d’amitié avec Yara, une jeune migrante passionnée par la photographie. Ensemble, ils vont tenter de redonner vie à la communauté locale en développant une cantine pour les plus démunis, quelles que soient leurs origines.
«Si on mange ensemble, on se serre les coudes». Cette mention, qui accompagne les photos défraîchies d’un repas de soutien aux travailleurs des mines dans une salle condamnée du pub, constitue la clé thématique de ce très touchant «Old Oak». On y trouve les notions de solidarité, de partage et de vivre ensemble qui nourrissent le cinéma social et humaniste du réalisateur de 87 ans. Pour lui, les travailleurs et les migrants sont finalement dans le même bateau: leur monde (la mine, le quartier, la Syrie) est en ruine, et leurs lendemains déchantent faute de perspectives. Dans un environnement où la précarité et la désillusion sont devenus le terreau d’un racisme décomplexé, où les plus pauvres que soi deviennent la cible de l’oppression et du rejet, ses personnages tentent de redonner vie au quartier et à ses habitants en les faisant se rencontrer autour de repas chauds.
En recherche de dignité et de sens, TJ, personnage principal et figure bienveillante du film, va réouvrir la salle du pub remplie des souvenirs des combats du passé, pour ranimer la flamme de la solidarité. Trouver ce qui relie plutôt que ce qui sépare, se découvrir au-delà des clichés, et finalement, se supporter et faire communauté: voilà comment Loach envisage l’aube solidaire timide d’où pourra éclore de meilleurs lendemains. «Si les travailleurs réalisaient le pouvoir qu’ils ont et osaient s'en servir, ils pourraient changer le monde», déclare mélancoliquement TJ à la jeune migrante qui l’assiste dans son projet. Comme Ken Loach, en a envie d’y croire.
© Sixteen Oak Limited - Why not Productions
1 «Vieux chêne» en français, NDLR.
Si les travailleurs réalisaient le pouvoir qu’ils ont et osaient s'en servir, ils pourraient changer le monde.