Un colloque sur la sécurité sociale de l’alimentation était organisé récemment par le groupe des Travailleurs sans emploi (TSE) de la CSC. Introduction à ce concept innovant.
David Morelli
La sécurité sociale de l’alimentation (SSA) est une initiative visant à garantir l’accès à une alimentation saine et durable à tous les citoyens. En Belgique, cette idée percole, dans un contexte où les inégalités alimentaires et les préoccupations environnementales sont de plus en plus présentes. Les crises successives (pandémie, guerre en Ukraine, crises énergétique et écologique…) ont mis en lumière les vulnérabilités d’un système alimentaire largement interconnecté, dont les chaînes d’approvisionnement ont dévoilé leur fragilité. Ces crises ont dramatiquement impacté les populations les plus précaires. Face à des réponses politiques insatisfaisantes tant en termes de réduction des inégalités que de renforcement de la résilience des systèmes, inféodés aux grands acteurs de l’industrie, il s’agit de repenser notre approche de l’alimentation. À cet égard, et bien que la CSC n’ait pas de position explicite sur la SSA, l’enjeu de l’alimentation constitue une vraie question syndicale.
La SSA vise à assurer l’accès universel à une alimentation saine, en garantissant que chaque citoyen puisse accéder à des aliments nutritifs et de qualité. Le Mouvement ouvrier chrétien (Moc), dont la CSC est une organisation constitutive, propose une approche très concrète de son principe. «Il s’agirait d’accorder à chaque citoyen, quel que soit son âge ou sa situation financière, un montant qui devrait à terme atteindre 150 euros par mois, et qui serait réservé à l’achat d’aliments auprès d’acteurs conventionnés: producteurs, distributeurs, transformateurs... Cela permettrait que chacun puisse passer du statut “d’être de besoin” (besoin, par exemple, d’aide alimentaire) à celui “d’être de droit” (le droit de choisir et d’avoir accès à une alimentation de qualité).» Autres objectifs du SSA: la promotion de la durabilité, en encourageant des pratiques agricoles respectueuses de l’environnement et de réduction du gaspillage alimentaire. Pour le Moc, «il s’agirait de conventionner les produits qui respecteraient un certain nombre de critères: la proximité, la durabilité, le juste prix pour le consommateur et la juste rémunération pour les acteurs économiques. Ces produits doivent également soutenir l’économie locale, sociale, circulaire. Ils pourraient répondre à un label.»
Enfin, le SSA vise également à renforcer la résilience du système alimentaire, en créant un système capable de résister aux crises économiques, sanitaires et environnementales, et à sensibiliser la population sur les bienfaits d’une alimentation équilibrée et les impacts environnementaux de leurs choix alimentaires.
Bien sûr, de nombreux obstacles se dressent sur la route de la mise en place d’une SSA. Son financement n’est pas le moindre d’entre eux. Le Moc propose une piste de solution: «le financement de la SSA reposerait sur une augmentation des cotisations sur les salaires des travailleurs et des entreprises, ainsi que sur une augmentation, si possible, d’une cotisation sur les autres revenus (immobiliers, financiers, sociaux…). Mais aussi sur une participation de l’État, qui pourrait provenir, par exemple, d’un impôt sur les bénéfices des multinationales de l’agroalimentaire et de la grande distribution, ou bien d’une augmentation des accises sur les produits nutritionnellement malsains.» La création de la SSA impliquerait une coordination complexe entre les nombreux acteurs et maillons de la chaîne. Mais il faudrait également une volonté politique forte pour mettre en place un cadre législatif solide, et enfin, faire adopter de nouvelles habitudes alimentaires à la population, chose difficile. Ce sont là les obstacles actuels à la mise en place d’une SSA.
Le Moc propose une piste de solution: «le financement de la SSA reposerait sur une augmentation des cotisations sur les salaires des travailleurs et des entreprises, ainsi que sur une augmentation, d’une cotisation sur les revenus immobiliers, financiers…
Il existe une différence majeure entre la SSA et le droit à l’alimentation. Le droit à l’alimentation est un droit fondamental, prévu dans de nombreux traités, qui oblige les gouvernements à garantir l’accès à la nourriture. Cependant, un droit fondamental n’accorde pas, en principe, de droits subjectifs aux citoyens. En d’autres termes, la justice n’est pas compétente pour contrôler et garantir le respect du droit à l’alimentation. Dès lors, un individu ne peut pas aller au tribunal s’il considère que les dispositions de ce droit fondamental ne sont pas respectées à son égard. Le droit à la sécurité sociale, lui, est un droit exécutoire, qui permet donc à son titulaire d’en obtenir l’application.
Si, au terme de ce qui sera sans doute un très long processus, une SSA devait voir le jour, les bénéfices pour les citoyens, la société et la sécurité sociale seraient appréciables. En garantissant un accès universel à une alimentation de qualité, la SSA pourrait réduire la pauvreté alimentaire et participer à la réduction des coûts de santé. Une alimentation saine et équilibrée permet en effet de prévenir de nombreuses maladies chroniques, telles que le diabète, l’obésité et les maladies cardiovasculaires, et de réduire considérablement les dépenses de santé publique. En favorisant les circuits courts et les produits locaux, la SSA pourrait également stimuler l’économie locale et permettre de progresser vers un changement de modèle agricole, plus en phase avec la transition écologique. En d’autres termes, la SSA pourrait non seulement améliorer la santé et le bien-être des citoyens, mais aussi renforcer l’économie belge de manière durable et équitable.
Assurer une alimentation saine et accessible à toutes et tous fait partie des lignes de force issues du congrès «Bien vivre» de la CSC wallonne de mai 2022. Pour ce faire, le syndicat entend développer plusieurs actions politiques en agissant: