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L'info n°113/01/23

Fin de contrat pour cause de force majeure médicale


Des centaines de milliers de travailleurs se retrouvent malades de longue durée en raison de leur travail.

Dans le cadre de la réforme des trajets de réintégration des malades de longue durée, la procédure de résiliation du contrat pour cause de force majeure médicale a été adaptée.

Maarten Hermans (adapt. D.Mo.)

Fin octobre 2022, le Parlement a adopté le dernier volet de la législation qui réforme les trajets de réintégration pour les malades de longue durée. Les principales modifications ont pour objectif d’éviter que les employeurs ne continuent à abuser des trajets de réintégration pour mettre des travailleurs à la porte pour cause de force majeure médicale. La réforme instaure deux procédures distinctes: une pour la réintégration, et une autre pour la résiliation du contrat pour cause de force majeure médicale, ainsi qu’une période obligatoire de neuf mois d’incapacité de travail entre ces deux procédures. L’employeur n’aurait ainsi plus aucune raison d’entamer une procédure de réintégration s’il vise en fait une force majeure médicale.

Prudence requise

Compte tenu du découplage des deux procédures, les employeurs sont occupés à étudier en profondeur ce que cette procédure distincte pour la force majeure médicale peut représenter pour eux. Certains finalisent en toute hâte des procédures de réintégration selon les anciennes règles pour qu’elles puissent déboucher sur une force majeure médicale. Les syndicats doivent donc être particulièrement attentifs.

Pourquoi l’utilisation de la force majeure médicale est-elle aussi dangereuse d’un point de vue syndical? Parce que c’est un moyen pour l’employeur de résilier un contrat de travail sans qu’il ne soit question d’un licenciement sur le plan juridique. Toutes les règles qui sont liées à un licenciement (protections pour les travailleurs et obligations pour les employeurs) ne s’appliquent donc pas, ou seulement dans une moindre mesure.

Par le biais de la «force majeure médicale», un employeur peut résilier un contrat de travail sans devoir respecter les obligations liées à un licenciement.

Ainsi, le travailleur n’a pas droit à une indemnité de licenciement. Les règles relatives à la protection contre le licenciement des groupes de travailleurs protégés, comme les délégués des travailleurs, ne sont pas non plus d’application. Si un travailleur est malade – notamment suite à son travail – et qu’il n’est plus en mesure de travailler, l’employeur peut donc néanmoins faire supporter ce coût et ce risque à la société et au travailleur qu’il a engagé.

Une piste très douteuse

Le travail pathogène (c’est-à-dire susceptible de provoquer une maladie, NDLR) organisé par de nombreux employeurs a pour conséquence que des centaines de milliers de travailleurs se retrouvent malades de longue durée en raison de troubles liés à leur travail: burnouts, troubles musculosquelettiques… En conséquence, la résiliation du contrat pour cause de force majeure médicale constitue une piste très douteuse dans notre système belge.

Une mesure annoncée en octobre dernier dans le cadre de l’accord budgétaire fédéral semble reconnaître partiellement ce problème. Le gouvernement a l’intention de remplacer l’obligation pour les employeurs d’offrir un outplacement (reclassement professionnel) en cas de force majeure médicale par une cotisation obligatoire de 1.800 euros à un fonds qui soutient des mesures en faveur du retour au travail. La mesure proposée n’est pas directement en ligne avec l’avis des interlocuteurs sociaux – nous avions en effet conseillé d’élargir le droit à l’outplacement – mais correspond bien au principe du pollueur-payeur défendu par la CSC. L’employeur doit recevoir la facture pour des comportements que nous souhaitons avant tout décourager.

Force majeure souhaitée par le travailleur

Malgré les inconvénients de cette piste, on constate qu’un certain nombre de travailleurs sont demandeurs d’une résiliation de contrat pour cause de force majeure médicale. Il s’agit souvent de situations où le travailleur ne s’estime pas en état de reprendre le travail compte tenu de son état médical ou craint de se retrouver dans l’environnement qui l’a rendu malade. En cas de démission ou de commun accord, le travailleur perd le droit à des allocations de chômage1. Ce n’est pas le cas s’il demande à ce que son contrat soit résilié pour cause de force majeure médicale. La perte de droits sociaux dans de telles situations est un problème pour lequel la CSC veut une solution. On supprimerait ainsi une grande partie des motifs pour lesquels des travailleurs veulent emprunter cette piste douteuse.

Plus de soutien de la part des militants

La CSC a en effet obtenu que, lors du lancement de la procédure, le médecin du travail doive obligatoirement informer le travailleur de son droit de bénéficier de l’assistance d’un délégué des travailleurs dans l’entreprise. Cette assistance syndicale permet au travailleur malade de ne pas être seul face à son employeur.

Lors du lancement de la procédure, le médecin du travail doit obligatoirement informer le travailleur de son droit à l’assistance d’un délégué des travailleurs dans l’entreprise.

Il est par ailleurs important de signaler que les deux procédures – trajet de réintégration et résiliation de contrat – ont certes été dissociées, mais ne s’excluent pas mutuellement. Que ce soit l’employeur ou le travailleur qui la démarre, une procédure de force majeure médicale peut toujours, à la demande du travailleur, être suivie par une procédure de réintégration par laquelle le médecin du travail vérifie si un travail adapté ou un autre travail est possible, et l’employeur est tenu de vérifier. L’objectif est de garantir autant que possible le droit à une adaptation raisonnable du travail.

1. Il est important de noter que la rupture du contrat de travail pour force majeure médicale ne met pas fin à la reconnaissance de l’incapacité de travail par la mutualité. Le travailleur continue de percevoir des indemnités de maladie tant que son incapacité de travail est reconnue par le médecin-conseil. [NDLR]

Force majeure médicale?

Après neuf mois d’incapacité de travail, tant l’employeur que le travailleur peuvent entamer une procédure pour mettre fin au contrat de travail. Le conseiller en prévention-médecin du travail examine si le travailleur est définitivement inapte à exécuter son travail. Si tel est le cas, et si le travailleur ne demande pas un travail adapté, le contrat est résilié pour cause de force majeure médicale. La force majeure implique que personne n’est «coupable» de la résiliation du contrat, et donc qu’aucun délai de préavis ou indemnité de licenciement ne s’applique.

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